Archives de catégorie : Pratique clinique

Retour sur la formation ChronOrtho

J’ai suivi la formation en e-learning de Chronortho par Aude Fresnay et je vous le dis tout de suite : j’ai A-DO-RÉ. (Sinon je n’en ferai pas un article, je vous partage ici seulement ce qui me semble pertinent.)

Présentation

Il s’agit d’une formation totalement en ligne et en vidéo en 5 modules, composés de capsules vidéos très courtes, quelques minutes à chaque fois, ce qui les rend très faciles à intégrer, permet d’en regarder juste quelques-unes sur un moment de pause ou davantage quand on a plus de temps, et d’avoir une structure très claire. Il y a aussi des quizz qui jalonnent le parcours du programme, des auto-réflexions, des annexes en PDF, des petites astuces pour rester concentré…

La formation peut être visionnée pendant un an, à votre rythme.

Vous pouvez prendre les 5 modules dans un pack ou seulement 1 ou 2 modules.

  • module 1 : prise en charge courte durée
  • module 2 : prise en soin intensive
  • module 3 : accompagnement parental
  • module 4 : groupes thérapeutiques
  • module 5 : gestion et solutions de cabinet

Le but est de s’orienter vers « une pratique plus pertinente, dynamique et écologique ». Des suivis plus courts, plus ciblés, des objectifs plus précis, des pauses thérapeutiques, de l’accompagnement parental, des groupes… bref plein d’outils pour une pratique libérale épanouissante et efficace.

Contenu

Aude propose de très nombreux outils, le programme est dense et peut s’adapter à différentes pratiques. Chacun prendra les outils qui lui parlent, selon là où iel en est de sa réflexion par rapport à sa pratique. On peut choisir de faire une pause entre chaque module pour modifier certains éléments, ou de tout regarder à la suite, de révolutionner sa pratique à l’occasion d’une nouvelle année ou d’un changement de cabinet. Bref tout est possible ! Je vous conseille cependant de prendre des notes car vous risqueriez de passer à côté de certains outils sinon.

J’aime ce genre de formation où l’on peut piocher les outils qui nous parlent à un moment, puis y revenir et en prendre d’autres, etc. Le cadre théorique est solide mais pour autant chaque capsule est très digeste, grâce à leur pertinence, la concision et l’humour d’Aude. Ça remue, ça remet en question nos pratiques et ça c’est vraiment chouette ! Pour autant, pas de dogme, et Aude insiste bien sur le fait que le changement n’est pas facile et qu’il est intéressant d’essayer pour voir.

Format

Personnellement j’aime quand c’est structuré, que l’on sait où l’on va, que l’on construit les compétences les unes à la suite des autres de façon logique – les participantes à mes formations vous le diraient. C’est peut-être une forme de rigidité mais j’ai besoin de cette structure, dans les formations que je suis comme dans mes prises en soins. Dans le programme cette logique est tout à fait respectée.

Aude a fait un travail incroyable, le découpage des séquences est excellent, on sait bien où on va. Le fait qu’il y ait beaucoup de visuels en plus de l’audio (citations qui apparaissent, petits schémas, tirets…) était indispensable pour moi qui ait beaucoup de mal avec l’audio pur.

La voix d’Aude est posée et agréable, le rythme de parole me convient parfaitement, vraiment on ne s’endort pas même en regardant beaucoup de vignettes à la suite !

La plateforme est également pratique, visuellement agréable, très pro, et la navigation est aisée.

Applications concrètes

Personnellement, j’étais déjà engagée dans cette direction de suivis plus courts, plus ciblés et plus efficaces, notamment depuis ma reprise du libéral en septembre 2021. Pour autant j’ai appris beaucoup de choses, le programme m’a confortée sur certains points et apporté de nouveaux éléments pour continuer à gagner en efficacité et en pertinence.

Au moment où j’écris cet article, je suis en congé maternité, j’ai fermé le cabinet et reprendrai la pratique libérale dans quelques mois ou années, je l’ignore 🙂 Mais il est certain que j’intégrerai les éléments suivants (je vous cite ce que je fais déjà et les outils nouveaux apportés par Chronortho) :

  • prise en compte de la demande en premier lieu ou travail d’émergence de celle-ci
  • projet thérapeutique constitués d’objectifs fonctionnels atteignables avec prise en compte des préférences patient
  • rééducation intensive (qui ne se limite pas à « voir le patient 2 fois par semaine », loin de là !)
  • présence de l’entourage aux séances dans un objectif de partenariat (parents et fratrie)
  • amélioration des techniques d’entretien
  • utilisation des compte-rendus parentaux (CRP)
  • vidéo feedback
  • groupes thérapeutiques avec objectifs précis
  • plateforme informatique de gestion de la liste d’attente et de prise de rdv
  • trames de CRBO
  • contrôle de l’efficacité du traitement orthophonique

Formation « Accompagnement parental : soutenir les compétences de communication des parents » de Sarah Jullien

J’ai assisté début mars à la formation de Sarah Jullien par l’intermédiaire de l’organisme de formation des amis OséO formation, en présentiel à Lyon. Petit retour enthousiaste en toute honnêteté.

En un mot j’ai adoré, tant pour le contenu que pour la pédagogie de Sarah. Son dynamisme, ses exemples cliniques, le format de la formation, sa bienveillance et sa gentillesse ont fait de ces 2 jours un moment riche d’apprentissage et de remises en question (personnellement j’aime ça !).

Sans révéler le contenu de la formation à laquelle je vous encourage à assister si le sujet vous intéresse, j’ai souhaité faire des focus sur 3 notions importantes qui sont abordées pendant ces 2 jours (avec l’accord de Sarah je précise) : le sentiment de compétence parental, le PIOC et le vidéo feedback.

Le sentiment de compétence parentale

C’est la perception qu’a un parent de ses habiletés à s’occuper de son enfant. Les études montrent qu’en cas de troubles du langage, ce sentiment est affaibli : les parents ne savent pas toujours comment développer la communication de leur enfant et peuvent se sentir démunis. Le niveau de stress quand on a un enfant avec un TSA s’apparenterait d’ailleurs à celui subi lors d’un syndrome de stress post-traumatique.

Le SCP fait partie des facteurs qui influencent la participation du parent dans l’intervention. Il nous faut tenter de l’évaluer puis de le développer au cours du suivi, car plus le sentiment de compétence parentale est élevé, plus la mise en place d’attitudes de communication est réussie.

C’est un sujet qui me parle beaucoup. J’accueille toujours les parents en séance, et les valoriser dans ce qu’ils font est l’un de mes objectifs principaux.

Le plan d’intervention orthophonique concerté ou PIOC

L’idée est de co-construire un plan thérapeutique avec les parents, pour une décision partagée et éclairée. Il s’agit de définir des objectifs mesurables en les priorisant. J’en parlais d’ailleurs dans cet article. Le temps où le thérapeute élabore ses objectifs de son côté sans faire participer les parents est à mon sens révolu. Il est primordial que l’entourage puisse nous guider dans la construction des objectifs, pour que le suivi ait un réel impact sur la communication fonctionnelle. De plus, des parents qui partagent nos objectifs seront plus motivés et leur SCP sera plus important.

Le vidéo feedback

Il s’agit de proposer aux parents de se filmer dans des situations de communication du quotidien avec leur enfant (jeu, routine, repas,…) puis de leur proposer un feedback sur ces situations. Qu’est-ce qui fait que leur enfant les regarde, pointe, parle, imite, interagisse, joue avec eux ? Comment pourraient-ils le faire davantage ? J’ai retrouvé dans les éléments apportés par Sarah des notions que j’ai apprises en formation au programme Hanen®️ et qui sont très intéressantes dans nos suivis.

Cela demande un peu de logistique mais les bénéfices sont importants. Cela permet d’inclure les parents et de les accompagner en personnalisant par rapport au stade où ils en sont actuellement. Encore une fois le SCP s’en trouve souvent amélioré.

Les formations que j’ai suivies (et aimées !)

Aujourd’hui un post sur la formation continue. Les orthophonistes ont un champ de compétences très large, et se forment énormément. L’offre de formation est d’ailleurs importante et c’est tant mieux.

Un petit rappel ici d’ailleurs : tout le monde peut être formateur·rice. Il n’y a pas de diplôme spécifique à passer, d’expériences ou de certification à avoir. Il faut demander un numéro de formateur·rice après la première formation et respecter des contraintes administratives (bilan pédagogique et financier tous les ans). Ce qui fait la popularité d’une formation est donc sa qualité, le bouche-à-oreille, la pédagogie de la personne qui forme… tout cela étant à l’appréciation des personnes formées !

Comment je choisis mes formations

J’ai suivi de nombreuses formations pendant mes premières années d’exercice, dans des domaines variés. Je pense que c’est le cas de pas mal de collègues sortant de l’école d’orthophonie, pour la même raison que l’on achète au début beaucoup de matériel : on manque de confiance et d’expérience. Mes critères de choix étaient peu nombreux à cette époque, ma disponibilité et mes possibilités financières en tête. Puis j’ai gagné en expérience, en expertise, en confiance et j’ai réduit également le nombre de domaines que j’accompagne.

Aujourd’hui pour choisir une formation, je cible :

  • un contenu en lien avec ma pratique axée sur les troubles neurodéveloppementaux, et plus particulièrement les TSA
  • un·une formateur·rice que je connais ou dont j’ai lu des interventions sur les réseaux sociaux ou dans un article
  • une formation qui s’appuie sur l’EBP (je regarde le programme et je consulte la bibliographie)
  • les avis de collègues

Les formations que j’ai suivies, que j’ai appréciées et qui influencent ma pratique

Sans ordre particulier :

  • le DU « analyse du comportement appliquée aux troubles du développement et du comportement » de l’Université de Lille
  • les formations de Caroline Peters
  • des congrès sur l’ABA
  • les formations très pratiques de Laurence Boukobza
  • la formation Chronortho d’Aude Fresnay (dont je vous reparlerai !)
  • la certification Hanen More Than Words
  • le MOOC EBP de l’Université de Liège (qui commence à nouveau le 21 février)
  • la formation Alimentation et TSA d’Agathe Chabroud
  • la formation Jeu dans les TSA et les DI de Lauriane Venin (avis objectif même si c’est mon amie : formation top !)

Je ne parle pas des formations dont j’aurais pu me passer, mais il y en a également plusieurs… 🙂

Trouble du Spectre de l’Autisme : ce que la recherche nous dit

traduction d’un article du Centre Hanen

Critères du DSM : TSA et trouble de la communication sociale

  • Trouble du spectre de l’autisme

    A. Difficultés persistantes dans l’utilisation sociale de la communication verbale et non verbale.
    B. Caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités, soit au cours de la période actuelle soit dans les antécédents.
    C. Les symptômes doivent être présents dès les étapes précoces du développement (mais ils ne sont pas nécessairement pleinement manifestes avant que les demandes sociales n’excèdent les capacités limitées de la personne, ou ils peuvent être masqués plus tard dans la vie par des stratégies apprises).
    D. Les symptômes occasionnent un retentissement cliniquement significatif en termes de fonctionnement actuel social, scolaire/professionnel ou dans d’autres domaines importants.
    E. Ces troubles ne sont pas mieux expliqués par un trouble du développement intellectuel ou un retard global du développement.

    Par rapport au DSM IV : il n’y a plus de sous catégories, on ne parle plus d’autisme, de Troubles Envahissants du Développement ou de Syndrome d’Asperger, mais seulement de Trouble du Spectre de l’Autisme. Les difficultés de langage ne sont plus un critère diagnostique, et les différences dans l’intégration sensorielle sont incluses.
    Dans le DSM 5, on parle donc de TSA en spécifiant : avec ou sans déficit intellectuel associé, avec ou sans altération du langage associée, associé à une pathologie médicale ou génétique connue ou à un facteur environnemental, associé à un autre trouble développemental, mental ou comportemental.
  • Trouble de la communication sociale

    A. Difficultés persistantes dans l’utilisation sociale de la communication verbale et non verbale.
    B. Déficiences entraînant des limitations fonctionnelles dans les domaines suivants : communication, intégration sociale, relations sociales, réussite scolaire, performances professionnelles.
    C. Les symptômes débutent pendant la période précoce du développement (mais il se peut que les déficiences ne deviennent manifestes qu’à partir du moment où les besoins en termes de communication sociale dépassent les capacités limitées de la personne).
    D. Les symptômes ne ne sont pas mieux expliqués par un trouble du spectre de l’autisme, un trouble du développement intellectuel, un retard global du développement ou un autre trouble mental.

    Par rapport au DSM IV : le trouble de la communication sociale est un nouveau diagnostic et n’existait pas dans le DSM IV.

Prévalence du TSA

Aux Etats-Unis, la prévalence est actuellement estimée à 1/68 d’après les CDC (Centers for Disease Control). En France elle serait de 1/135 (rapport d’estimation de la prévalence à partir du recours aux soins dans le Système national des données de santé (SNDS), France, 2010-2017, à consulter ici).

Co-occurence du TSA

  • Les garçons sont 2,5 à 4 fois plus susceptibles que les filles d’être diagnostiqués.
  • Les frères et sœurs de personnes atteintes de TSA sont plus susceptibles d’être diagnostiqués.
  • Les jumeaux de personnes atteintes de TSA ont un risque accru d’être diagnostiqués.
  • 10 % des personnes atteintes de TSA ont également d’autres maladies génétiques ou chromosomiques, telles que la trisomie 21 et le syndrome de l’X fragile.

Causes du TSA

  • Génétiques :

Des différences génétiques ont été trouvées chez environ 25% des personnes atteintes de TSA.
• Aucun chromosome spécifique n’est impliqué dans le TSA — des différences dans plus de 100 chromosomes ont été identifiées.
• De rares variations du nombre de copies ont été liées à l’autisme — chromosomes ou parties de chromosomes qui ont été copiés un nombre anormal de fois.
• Des réarrangements chromosomiques, des mutations et des délétions ont également été liés aux TSA.

  • Environnementales :

• Certaines recherches établissent un lien entre l’exposition prénatale à des niveaux élevés de pollution de l’air et de pesticides et les TSA — les preuves ne sont pas concluantes.
• Facteurs prénataux associés au TSA : âge maternel/paternel avancé, saignement gestationnel maternel, diabète gestationnel, utilisation maternelle d’antidépresseurs
• Certains événements d’accouchement associés au TSA : poids de naissance faible et extrêmement élevé, complications du cordon ombilical, faible score APGAR à 5 minutes, détresse fœtale.

  • Différences neurologiques :

On retrouve certaines différences dans le cerveau des personnes atteintes de TSA :

  1. amygdale
    • partie du système limbique, responsable de la formation et du stockage des souvenirs émotionnels, qui serait de plus grande taille chez les personnes atteintes de TSA
    • interaction altérée entre l’amygdale et d’autres zones du cerveau,
    en particulier pendant les tâches de traitement du visage
    • pourrait expliquer les difficultés à regarder les visages des autres
  2. prolifération cérébrale précoce
    • à la naissance, le tour de tête est normal mais augmente significativement durant l’enfance chez les enfants avec TSA
    • à l’adolescence/à l’âge adulte, le cerveau est dans la normale ou plus petit que la moyenne
    • l’élimination naturelle des mauvaises cellules cérébrales au cours du deuxième trimestre a moins lieu — entraîne une surabondance de 67 %
    • un nombre excessif de mauvaises cellules crée des zones anormales, en particulier dans les lobes frontaux/temporaux (responsables du traitement social et émotionnel complexe)
    • le cerveau peut parfois apprendre à se débarrasser de ces mauvaises connexions après de nombreuses années, ce qui entraîne une amélioration ou une récupération
  3. voies de substance blanche
    • connecte différentes zones du cerveau ensemble
    • manque de structure et d’intégrité des voies reliant les zones de traitement social

Signes d’appel du TSA (souvent vers 12 mois)

  • Interaction sociale

• Manque d’expression de joie
• Difficultés au niveau de : attention conjointe, regard, sourire social/réciproque,
intérêt social et partagé, montrer des objets aux autres
• Se concentre davantage sur les objets que sur les personnes.

  • Communication

• Utilisation limitée ou absence de gestes
• Difficultés au niveau de : réponse au prénom, babillage à tour de rôle, utilisation
des gestes, y compris le pointage, coordination de différents modes de communication, imitation des sons de la parole, utilisation de la prosodie appropriée.

  • Jeu

• Imitation réduite avec des objets
• Jeu avec des jouets limité : actions répétitives avec des jouets et des objets, manipulation excessive et exploration surtout sensorielle.

  • Comportements restreints et répétitifs

Les comportements restreints et répétitifs peuvent être observés chez les enfants au développement typique et chez les enfants atteints de retards/troubles non TSA.
• Les enfants qui ont un TSA présentent plus de comportements restreints et répétitifs que les autres enfants.
• Les comportements restreints et répétitifs chez les enfants au développement typique diminuent avec l’âge.

Domaines de développement à évaluer par l’orthophoniste

  • Attention conjointe
  1. Varier le regard entre la personne et l’objet
  2. Suivre le pointage d’une autre personne
  3. Pointer
  4. Montrer quelque chose à une autre personne
  5. Suivre le regard d’un autre
  • Imitation

L’imitation avec des objets est associée au développement dans le jeu.
L’imitation des actions est associée au développement du langage expressif.

  • Jeu
  1. Jeu avec des personnes (sans objets)
  2. Jeu exploratoire
  3. Jeu fonctionnel
  4. Jeu de faire semblant

Certifiée More Than Words®️ (Au-delà des mots) du centre Hanen !

Je sors de 4 jours de formation (en visio) avec le Centre canadien Hanen, organisme à but non lucratif fondé en 1975 par une orthophoniste qui a vu dans l’implication des parents dans l’intervention langagière précoce de leur enfant un grand potentiel jusqu’ici peu exploité.

Et c’était… fantastique !

Le centre Hanen propose des certifications pour les orthophonistes du monde entier, pour leur permettre d’offrir à leur tour des ateliers pour les parents d’enfants qui ont un retard dans le développement du langage et/ou un trouble du spectre de l’autisme. Il s’agit de programmes pour les parents composés d’ateliers de groupes et de consultations individuelles avec les parents et l’enfant. Ce format permet aux parents d’apprendre comment fonctionne leur enfant, de rencontrer d’autres parents et de suivre un plan personnalisé avec l’accompagnement de l’orthophoniste-formatrice. Il a fait l’objet de nombreuses études et les résultats sont tout à fait probants.

Il existe actuellement 5 programmes pour les parents (2 concernant les retards dans le développement du langage, 2 concernant les troubles du spectre de l’autisme et 1 sur la littératie).

J’ai suivi le programme More Than Words®️ (Au-delà des mots en français), pour les parents d’enfants jeunes présentant un TSA ou avec suspicion de TSA ou des difficultés de communication sociale. J’ai choisi la version en 4 jours à la place des 3 habituels, réservée aux orthophonistes dont l’anglais n’est pas la langue maternelle. Nous étions 15 orthophonistes du monde entier (Canada, Italie, Corée, Australie, Arabie Saoudite…) et la formation était très interactive, bien plus que certaines formations présentielles. Nous avons pu travailler en groupe, sur certains de nos patients, il y a de nombreuses vidéos à commenter, et la formatrice était particulièrement expérimentée et bienveillante.

Le contenu est très intéressant et tout à fait en accord avec ma façon de travailler actuelle : partenariat parental, importance du jeu, communication avant le langage, interactions sociales, valorisation des compétences des parents et de l’enfant, objectifs précis fixés en concertation… Je suis très enthousiaste comme vous pouvez le voir !

Je vais donc commencer à proposer des ateliers More Than Words®️ pour les parents. Vous trouverez toutes les informations sur cette page. N’hésitez pas à transmettre le lien aux parents que vous connaissez qui pourraient être intéressés, aux centres diagnostics ou structures type CAMSP. Et je suis à votre disposition pour toute question !

Ressources

Site Hanen (en anglais) : informations sur les programmes, les formations, articles de blog, boutique pour commander livres et DVD…

Orthophoniste épanouie dans sa pratique

Être soignant·e, c’est accueillir beaucoup. Accueillir la douleur, la souffrance, le mal-être, les difficultés, le handicap… C’est se confronter chaque jour à des situations terribles, des parcours de vie chaotiques, des interrogations, des découragements, des larmes parfois.

Face à cela, comment être dans l’empathie mais garder sa posture, accompagner mais continuer sa journée, accueillir et soigner mais laisser le travail au cabinet ?

J’ai réfléchi récemment aux outils à ma disposition, à ce qui me permet de m’épanouir dans ma pratique, de garder la distance pour accompagner ma patientèle et son entourage au mieux. Et vous, quels sont les vôtres ?

  • Mon cadre thérapeutique

Je l’ai déjà évoqué (ici par exemple). Ma réinstallation en libéral a été le fruit d’une longue réflexion, notamment autour du cadre : partenariat parental, paiement à la séance, respect des horaires, plateforme de prise de rendez-vous en ligne, séances sur le temps scolaire uniquement, objectifs de prises en soin précis…

Je crois d’ailleurs que l’on n’y pense pas vraiment en commençant à travailler en libéral. Personnellement, j’ai débuté en collaboration, en reprenant des patients, je me suis intégrée au fonctionnement précédent sans réfléchir précisément à mon cadre, mes limites, mes envies, ni même tout simplement mes horaires (j’avais 75 rendez-vous par semaine car je prenais presque toutes les demandes qui m’étaient adressées).

Ce cadre fait beaucoup pour mon épanouissement. Je lis souvent sur les réseaux des collègues qui aimeraient travailler différemment, mais n’osent pas changer leurs habitudes pour plusieurs raisons. J’ai envie de les encourager à le faire car en libéral notre cadre est à penser totalement, sans faire comme on l’a forcément vu en stage ou en cours, ou comme on le faisait au début de notre carrière. Créer un cadre qui nous ressemble, c’est une (la seule ?) liberté de ce mode d’exercice.

  • Mon cadre physique

Dans mon petit bureau (12m2), j’avais peur d’être à l’étroit. Le caractère temporaire de la situation va finalement durer plus longtemps que prévu, mais je me sens bien dans ce petit espace. Un petit bureau, un tapis au sol, un meuble de rangement, c’est tout. Cela m’encourage à ne pas crouler sous le matériel et à ranger à chaque séance.

Ce « cocon » est apparemment agréable pour ma patientèle et son entourage qui me font des retours positifs à son sujet. Cela ne m’empêche pas d’accueillir à chaque séance un ou 2 parents. J’aimerais bien sûr avoir un peu plus d’espace et notamment un canapé, mais en attendant mon bureau à la maison, ce petit bureau économique fait fort bien l’affaire.

  • Mon expertise clinique

Je sais que certain·e·s collègues ne sont pas d’accord avec ce qui suit, mais pour moi cela fait partie de mon épanouissement professionnel : ma spécialisation dans les troubles neurodéveloppementaux. La majorité de mes patient·e·s sont porteur·euse·s de Trouble du Spectre de l’Autisme, Troubles Développementaux du Langage, Trouble Déficitaire de l’Attention ou syndromes génétiques. C’est ce qui me passionne depuis plus de 10 ans et c’est ce pour quoi je me suis beaucoup formée (et que je forme à mon tour depuis 8 ans bientôt).

Cette pratique me permet de travailler beaucoup en partenariat parental, de développer les compétences de jeu, de communication et sociales qui sont ce que je préfère faire, d’avoir une sélection de matériel plutôt réduite, et je pense d’être relativement experte dans les prises en soin que je propose. Ce qui évidemment est favorable à ma confiance en moi en tant qu’orthophoniste, et donc à mon épanouissement.

  • Mes outils au quotidien

Je pratique tous les jours (ou presque) le yoga et la méditation. Je lis. Je prends du CBD. Je me ressource en famille. Je marche dans la forêt. Je parle à mes proches de mon travail (dans le respect du secret médical bien sûr). Je cuisine. J’écris. Je me connais. Je sais ce qui me fait du bien, j’analyse ce qui me rend inconfortable et je trouve des solutions.

Co-construire une prise en soin avec l’entourage

Dans cet article, j’utilise le terme « entourage » pour parler du ou des parents, des proches et des professionnel·le·s du quotidien (éducateur·rice·s, AMP, ME,…) si la personne est accueillie en structure.

Construire une prise en soin orthophonique, notamment celle d’une personne avec un handicap de communication, mais pas que, ne se fait définitivement pas seul·e. Il est indispensable de pouvoir la penser et l’élaborer avec l’entourage de la personne, voire de la personne elle-même si c’est possible. Par construction, j’entends réfléchir ensemble aux domaines que l’on va travailler, aux objectifs précis au sein de ces domaines, et aux supports thérapeutiques que l’on va mettre en œuvre. Pour moi il s’agit réellement de partenariat et donc de co-construction d’un projet autour de la personne, pour la personne, avec la personne.

Dans mes séances je demande la présence de l’entourage, que ce soit pour un·e patient·e présentant un handicap, un trouble du langage oral ou écrit, une déglutition atypique…

Réfléchir aux domaines

Aborder ce point dès la première rencontre au moment du bilan orthophonique est indispensable. Il s’agit de demander à l’entourage et à la personne elle-même pourquoi ce rendez-vous a été pris, quelles sont les difficultés rencontrées, quels sont les domaines dans lesquels la personne semble avoir des forces et ceux pour lesquels elle semble être en difficulté. Si la demande vient d’une tierce personne (médecin, enseignant·e,…), il est bon de voir si la plainte est reprise par l’entourage, si une demande d’aide peut émerger de l’entourage ou de la personne elle-même, et essayer de l’affiner vers les domaines de difficulté. On peut demander tout simplement ce que l’entourage aimerait voir s’améliorer, en pensant notamment à la qualité de vie globale de la personne et non pas seulement aux répercussions académiques (les résultats scolaires par exemple).

Exemple : un bilan est demandé car l’enseignant·e a repéré des difficultés de prononciation chez l’enfant. On va demander aux parents s’ils trouvent eux aussi que leur enfant présente ces difficultés, ce qu’en pense cet enfant, s’ils aimeraient que cela s’améliore, quel est l’impact de ces difficultés sur la communication et le quotidien de l’enfant. Si la plainte n’est pas reprise, et qu’il n’y a finalement pas de plainte des parents ou de l’enfant, la prise en soins risque d’être difficile, même si de réels troubles ont été mis en évidence par l’évaluation orthophonique.

Quand le bilan orthophonique est réalisé, que les difficultés ont été objectivées, nous pouvons reprendre ensemble les domaines les plus touchés. Il m’est arrivé par exemple d’avoir une demande au sujet de l’articulation, que les parents jugeaient fortement touchée. Le bilan a révélé un trouble de la communication massif (il s’est avéré que l’enfant présentait en fait un TSA). Nous avons donc ensuite réajusté ensemble les domaines prioritaires à travailler, notamment en expliquant comment se développent le langage et la communication, ce qui est le plus important au quotidien ou encore dans quel ordre nous travaillons les domaines.

Ces domaines peuvent être :

  • L’apprentissage du langage écrit
  • L’efficacité de la lecture
  • Le développement du vocabulaire
  • L’allongement des phrases
  • L’amélioration de l’orthographe grammaticale
  • La précision de l’articulation
  • L’apprentissage de la déglutition adulte
  • Les interactions sociales

Réfléchir aux objectifs

Une fois que nous avons un peu « débroussaillé » et que nous sommes d’accord sur le ou les domaine·s à travailler, il va s’agir de co-élaborer des objectifs précis sur lesquels nous allons travailler ensemble.

Grâce à notre bilan orthophonique détaillé, nous pouvons proposer des objectifs à court, moyen et long terme, et expliciter les moyens à notre disposition pour atteindre ces objectifs. A nouveau, c’est un travail de co-construction, l’idée n’étant pas de décider seul·e, en vase clos, mais de discuter avec l’entourage, de questionner, de prendre en compte les priorités et les contraintes.

En reprenant par exemple le domaine de l’allongement des phrases, les objectifs pourraient être :

  • Utiliser des adjectifs de façon quotidienne
  • Construire des phrases avec des subordonnées relatives
  • Augmenter la longueur moyenne des énoncés de 2-3-4… éléments
  • Raconter sa journée avec des phrases SVC en majorité

Si nous voulons que le travail effectué en séance soit une impulsion à ce qui est fait au quotidien et qu’il soit généralisé, nos objectifs en tant que professionnel·le doivent absolument être partagés avec l’entourage. Sinon il est clair que l’investissement sera moindre, car la motivation sera moins présente (« il va chez l’ortho, il joue, on ne sait pas trop pourquoi »). Et les progrès certainement faibles.

Pour que les objectifs soient partagés, ils doivent être élaborés, réfléchis, remaniés, adaptés, ensemble, jusqu’à parvenir à un consensus. Ils seront parfois moins hauts que si nous les avions construits seul·e, mais ils conviendront à l’entourage et c’est le plus important. Inversement, si l’entourage vise trop haut, ce sont nos explications du trouble et des possibilités d’intervention qui aideront à adapter les exigences/espérances.

Et bonus : des objectifs bien connus de l’entourage pourront être partagés aux différents interlocuteurs (Education Nationale, centre de loisirs, autre professionnel de santé…) par l’entourage lui-même !

Réfléchir aux supports thérapeutiques

Ces supports à penser ensemble peuvent être notamment :

  • La fréquence des séances

Nous donnons en tant que professionnel·le une indication sur la fréquence optimale des séances (chez moi c’est 2 séances hebdomadaires le plus souvent), mais il faut également prendre en compte les contraintes organisationnelles (travail des parents, accompagnement possible), matérielles (véhicule par exemple) ou financières (par exemple si le·la patient·e n’a pas de mutuelle).

  • La durée de la prise en soin

Il est évidement difficile de donner une durée, car nous ne connaissons pas l’évolution de notre patient·e a priori. Nous pouvons cependant donner un ordre de grandeur. De mon côté, je me base sur la NGAP : je propose de faire une demande pour une première série de 30 ou 50 séances selon les cas, et je dis que nous ferons le point à l’issue de cette série sur nos objectifs. A ce moment, nous échangerons sur l’évolution de leurs attentes, leurs envies, leurs besoins, les progrès, les priorités, l’impact de cette prise en soin sur le·la patient·e mais aussi son entourage.

  • La mise en place d’un outil de communication alternative et améliorée

Si la mise en place d’une CAA est indiquée pour le·la patient·e, il y aura certainement un temps d’échange autour du choix de l’outil. Comme pour le reste, l’orthophoniste va apporter des éléments, des explications, des préconisations, et le choix final devra idéalement être effectué avec l’entourage.

  • L’automatisation d’une déglutition fonctionnelle

Nous allons par exemple proposer aux parents d’accompagner l’enfant dans ses exercices, de lui faire penser régulièrement à sa posture de langue, de mettre en place des pense-bêtes à la maison.

  • Les supports sur lesquels poursuivre au quotidien

Je pense aux livres, aux jeux, aux activités du quotidien (cuisine, jardinage, promenade) : tout ce qui va permettre au·à la patient·e de continuer à mobiliser et à développer ses compétences les plus fragiles en dehors de la séance d’orthophonie. Je pense que c’est une grande part du partenariat parental. Il s’agit de transférer les interactions et le travail que nous faisons en séance au quotidien du·de la patient·e, pour l’intégrer dans son environnement naturel et obtenir ainsi un gain fonctionnel. Je l’avoue, je n’aime pas trop l’expression « reprendre à la maison » ce qui est fait en séance. Pour moi, il ne s’agit pas de « devoirs d’orthophonie » (expression déjà entendue) en utilisant du matériel du cabinet mais d’une continuité des attitudes, étayages, aides, propositions, conseils… que j’ai pu modéliser en séance en prenant comme support le quotidien.

A nouveau sur le domaine de l’allongement des phrases, avec l’objectif « construire des phrases avec des subordonnées relatives », les supports du quotidien pourraient être : regarder un livre et produire des commentaires en utilisant le pronom relatif « qui », reformuler 2 phrases spontanées de l’enfant pour en faire une seule avec une subordonnée relative, jouer à un jeu de dinette/poupée/dans le bain/… en modélisant des phrases avec subordonnées relatives, …

  • Des idées pour écrire à la maison

Pour le langage écrit, j’aime bien donner quelques idées pour que l’écriture devienne un outil plutôt qu’une contrainte pour l’enfant. Cela peut être par exemple fabriquer une petite boite aux lettres où chacun peut poster des messages pour un autre membre de la famille, écrire un livre ensemble avec des illustrations, proposer d’écrire une lettre à un·e cousin·e/un·e ami·e sur du beau papier à lettres, s’écrire des messages secrets, faire une chasse au trésor (des indices successifs à trouver jusqu’à l’endroit final où se trouve un bonbon !), demander un menu spécial par écrit…

J’envisage ainsi davantage mon intervention comme un accompagnement (coaching) de l’entourage plutôt qu’une intervention directe isolée auprès du·de la patient·e, pour plus d’efficacité, un travail plus fonctionnel et des compétences utilisables dans la vraie vie, celle en dehors du cabinet ! De cette manière, les pauses thérapeutiques sont également plus efficaces : l’entourage a un bagage pour poursuivre l’accompagnement du·de la patient·e à la maison/dans la structure, car on a donné des outils pour cela.

Ma (ré)installation en libéral

J’ai réouvert en septembre un cabinet après 6 ans de congé parental (instruction en famille et formation d’orthos, pas vraiment un congé cependant !). Je suis à la campagne, dans un village situé en zone très sous-dotée. Le temps d’attente pour avoir un rendez-vous dans le secteur se compte en années. Je vous partage quelques réflexions autour de cette nouvelle installation.

Prendre le temps de poser son cadre et sa façon de travailler

J’ai beaucoup discuté en amont de ma reprise avec mon mari, qui a eu lui-même une entreprise qui accueillait de la clientèle pendant 6 ans. Nous avons pris le temps ensemble de poser les choses sur ce qui avait fait que j’arrête mon activité libérale en 2015 (la naissance de mon fils, surtout, mais aussi un ras-le-bol de plein de choses liées au libéral). Il m’a aidé à cheminer et à me rendre compte que j’avais toujours la flamme pour ce métier, mais que je ne désirais plus travailler comme je le faisais.

J’ai donc décidé de plusieurs éléments, non négociables pour une reprise dans de bonnes conditions (qui sont tout à fait personnels bien sûr !) :

  • travailler seulement sur le temps scolaire, pour pouvoir emmener et aller chercher mon fils à l’école, et passer mon mercredi avec lui. Mon mari étant posté, ses horaires varient, et s’il peut s’occuper des accompagnements régulièrement, je préfère être disponible dans tous les cas plutôt que de jongler avec la garderie. Mes horaires sont donc 9h-16h les lundis, mardis, jeudis et vendredis.
  • m’orienter vers une patientèle qui me correspond : je ne suis pas formée en neuro, en voix, et en plein d’autres choses, mais par contre je suis passionnée des prises en soins du handicap développemental.
  • travailler à la maison (projet en cours !).
  • accueillir les parents/accompagnants à toutes les séances, pour un travail fondé sur le partenariat.
  • pouvoir prendre une demi-journée ou une journée de temps en temps et avoir le minimum de créneaux fixes (ce que me permet Perfactive).
  • proposer des prises en soins de 2 séances par semaine pour presque tou·te·s mes patient·e·s.
  • facturer à l’acte ou à la semaine, sans tiers payant (sauf C2S et ALD)
  • avoir des objectifs précis, partagés par l’entourage.
  • refuser les contacts directs avec l’Education Nationale (Gevasco, appels, rencontres…) mais donner le pouvoir et l’expertise suffisante aux parents pour réaliser ce lien soin-pédagogie.
  • si convention avec des structures, imposer mes conditions.
  • ne pas avoir 15 CR en retard, et rédiger au fur et à mesure, quitte à prendre une journée pour cela.

J’oublie sûrement des choses mais l’idée globale est de travailler selon mes convictions. Mon mal-être au cabinet venait du fait que certaines choses m’étaient imposées et que je ne le vivais pas bien. Aujourd’hui : mon cabinet, mes règles.

Des outils qui facilitent mon quotidien

  • la plateforme de liste d’attente et de prise de rendez-vous en ligne Perfactive dont j’ai déjà parlé ici (et mon lien de marrainage ici !) dont je ne saurais plus me passer
  • la plateforme de comptabilité automatisée Indy (mon lien de marrainage ici pour 2 mois offerts sans engagement) qui est vraiment top
  • de bons outils d’évaluation : Evalo 2-6, Evaleo 6-15, Evalo BB sont ceux que j’utilise le plus. J’aime aussi le PELEA qui correspond bien à ma patientèle.
  • je n’ai par contre pas de logiciel d’aide à la rédactions de compte-rendus (je me débrouille très bien avec les trames sur mon traitement de textes), ni d’abonnement à des plateformes d’outils de rééducation.

Du matériel : point trop n’en faut

En reprenant une activité libérale, c’était vraiment un élément sur lequel je voulais porter mon attention. Dans mon cabinet précédent, j’avais 2 grands meubles kallax d’ikea (les 4×4 cases) remplis, ainsi que 2 meubles 2×2 cases pour les fournitures et bilans, et des caisses à coté de playmobils, dinette etc. Du matériel d’éditeurs spécialisés très cher, du matériel tout public, des ramettes d’avance, des stylos en pagaille… J’ai tout revendu en fermant le cabinet, après les avoir mis en carton, déménagés… je n’en voyais pas le bout. Je suis assez minimaliste chez moi, il est donc naturel de l’être aussi au travail.

A ce sujet, je vous conseille l’excellent article de Claire Faire beaucoup (voire faire mieux ? ) avec moins dans nos bureaux. Je le répète dans les formations que je donne aux orthos, le matériel n’est qu’un MOYEN, l’important est l’objectif que l’on a. Objectif qui peut être travaillé et atteint avec très peu de choses. Par ailleurs, travaillant avec les parents au maximum, je donne des exemples de la façon dont ils vont pouvoir travailler l’objectif à la maison, sans matériel spécifique (ou parfois des choses que l’on fabrique ensemble). C’est donc important pour moi de ne pas être dans la surenchère de matériel au cabinet afin d’être alignée avec ce que je dis .

J’ai choisi en conscience chaque nouveau matériel, parce que je le connaissais déjà et qu’il était une valeur sûre à mes yeux, ou parce que j’en avais un réel besoin. Pour savoir ce qu’il me fallait, j’ai listé mes besoins par domaine : compréhension, discrimination auditive, mémoire… avec environ 5-6 matériels par domaine, et c’est tout ! C’est certainement déjà trop pour certain·e·s, et certainement pas assez pour d’autres, mais cela me convient. J’ai presque tout acheté d’occasion en vide grenier, sur le bon coin, vinted et les groupes de matériel ortho d’occasion. J’aime aussi le matériel ouvert que je vais pouvoir utiliser de nombreuses façons différentes. Par exemple avec des kaplas je peux travailler aussi bien la programmation morphosyntaxique à l’oral, les demandes avec un classeur PECS, la conscience phonologique ou le récit écrit (et plein d’autres encore !). Alors qu’une boite de matériel très spécifique ne me permettra souvent de ne travailler qu’un domaine. Moins de matériel, moins de frais, plus d’argent pour moi, moins d’impact environnemental, moins de meubles de rangement, moins de ménage… 🙂

Ce souhait de ne pas avoir trop est intimement lié à l’expérience et à l’expertise : en début d’exercice, on est un peu perdu il faut l’avouer, et on peut penser que l’abondance de matériel va remplacer notre manque d’assurance et d’expérience. On accumule, on accumule. Puis on prend de la confiance en tant que professionnel·le, on fait des formations, on lit, on se sent (et on est) plus compétent·e. Et le matériel passe au second plan.

Idem pour les fournitures : j’ai un pot à crayons avec 1 stylo, 1 crayon de papier, quelques crayons de couleur et c’est tout ! Dans mon tiroir j’ai des petites choses supplémentaires comme des trombones, des élastiques, une agrafeuse, des ciseaux, etc. mais vraiment le minimum. Et ensuite un bloc de feuilles blanches/un bloc de feuilles à carreaux. Pas de feutres, de crayons qui sentent bon, avec des licornes à paillettes. J’ai d’ailleurs commandé sur le site Un bureau sur la terre qui propose des fournitures éco-responsables/durables, et en limitant le plastique que j’ai du mal à supporter.

Une organisation du bureau

L’objectif est de faire mon cabinet à la maison, nous faisons les travaux nous-mêmes avec mon mari. En attendant que le bureau soit prêt, une adorable collègue ortho me loue une (petite) pièce dans son cabinet. Le bureau fait 12m2, je crois n’avoir jamais travaillé dans si petit, nous sommes loin des 25m2 envisagés pour mon bureau à la maison. Et pourtant… Je m’y sens très bien ! Comme quoi ce n’est pas (toujours) une question d’espace, mais aussi d’agencement et d’ambiance. Nous avons choisi des meubles clairs, un bureau pas trop grand – il fait 120×60 cm, il y a une grande baie vitrée, un éclairage agréable et je vais mettre quelques plantes. Le fait de ne pas avoir trop de matériel aide bien, et la pièce est toujours rangée car je ne supporte pas le désordre, je n’arrive pas à m’y concentrer (et je pense que c’est le cas des patient·e·s aussi). Il n’y a rien sur le bureau en début de séance : je sors du tiroir l’ordi et le lecteur de CV si je facture, je sors les crayons si on en a besoin, pas de dossiers qui trainent, de papiers, d’agenda ou de jeux des séances précédentes. Chaque chose a sa place 🙂

Des petits plus

En commençant la séance, chaque personne présente (patient·e, accompagnant·e, ortho) choisit sa boisson s’il en veut une : eau, sirop, thé, café… J’ai une bouilloire, des sachets de thé et des dosettes de café, du sucre, quelques briquettes de jus, un peu de sirop de menthe et de grenadine dans des petits flacons, des tasses, tout tient dans le meuble sous le lavabo.

Nous démarrons souvent également par un peu de régulation sensorielle, pour aborder la séance dans de bonnes conditions. Pendant 3 minutes environ, nous pouvons écouter une méditation, une musique douce, des bruits de la nature, boire un coup, toucher des matières qui nous plaisent, il m’arrive de masser les épaules ou le crâne de mon·ma patiente, nous pouvons juste fermer les yeux et faire un peu le vide… ce dont chaque personne a besoin.

Quand mon bureau à la maison sera prêt, je ferai le maximum de séances dehors, dans le jardin : l’impact du manque de nature est énorme chez certains enfants (voir les ouvrages de Richard Louv). Je pense que cela peut réellement faire une différence, au niveau de la motivation, de la concentration, et montrer aux parents les bienfaits de la nature sur le comportement et le bien-être de leurs enfants.

[Outil d’évaluation] Essential for Living

Dans cette série, je vous présente les outils d’évaluation que j’utilise : des outils cliniques au service du professionnel, qui orientent vers les objectifs thérapeutiques, tout en répondant aux exigences scientifiques pour mesurer les progrès précisément.

Présentation

Essential for Living est un outil d’évaluation et un programme créé en 2004 par Patrick McGreevy et Troy Fry, disponible en anglais seulement pour le moment.

Il accompagne les professionnel·le·s pour évaluer puis enseigner des compétences de vie avec une validité sociale, pour permettre une dignité et une qualité de vie satisfaisante, malgré le handicap important.

Contrairement à la VB-MAPP, l’ABLLS-R ou l’ESDM, qui reposent sur une structure développementale, EFL est un outil à visée fonctionnelle : il s’agit de faire le point sur les compétences essentielles à la vie de notre patient·e, puis de lui enseigner les compétences manquantes qui sont les plus importantes.

Dans l’instrument sont listées plus de 3000 compétences, classées en différents domaines : communication expressive et réceptive, vie quotidienne, compétences sociales, compétences académiques, tolérance… Il y a un chapitre très conséquent au début sur la pertinence de mettre en place un outil de communication alternative, puis sur le choix de celui-ci. Les compétences fonctionnelles sont catégorisées selon leur priorité, avec notamment en premier les 8 compétences essentielles à la vie :

  • Faire des demandes pour obtenir des objets et activités hautement préférés et refuser des situations ou objets non apprécies
  • Attendre après avoir fait des demandes (par exemple si l’objet n’est pas disponible immédiatement)
  • Accepter le retrait d’un objet apprécié ou l’interruption d’une activité préférée + savoir passer d’une activité à une autre + partager + attendre son tour
  • Effectuer des actions brèves acquises précédemment
  • Accepter le « Non » (sans trouble du comportement majeur)
  • Suivre des instructions relatives à la santé et à la sécurité (par exemple revenir près du parent dans la rue quand celui-ci le demande)
  • Compléter des compétences de la vie quotidienne liées à la santé et à la sécurité (par exemple se brosser les dents)
  • Tolérer des situations liées à la santé et à la sécurité (par exemple porter un masque ou tolérer un examen dentaire)

Essential for Living est le seul programme de compétences de vie qui suggère la collecte de données comme la première opportunité de réponse de l’élève, les premiers essais sans faire la moyenne de l’ensemble des réponses, l’enregistrement de chaque progrès de la personne au fil du temps, en partant de comportements problématiques dans le contexte de l’acquisition de compétences, l’utilisation de guidances et leur estompage, la maîtrise d’une compétence, la généralisation du matériel et des personnes, la maintenance de la compétence au fil du temps. Chacune des cases utilisées pour enregistrer les progrès des apprenants représente une amélioration notable de leur qualité de vie. Il ne s’agit pas de comparer la personne à une autre personne, mais bien à elle-même afin d’enseigner et d’évaluer les progrès dans les domaines de compétences fonctionnelles.

EFL est basé sur l’analyse appliquée du comportement (ABA), et notamment l’ABA-VB, mais tout est très bien expliqué dans le manuel en des termes non techniques.

C’est donc un outil qui permet d’évaluer les compétences fonctionnelles d’une personne, de lister ses priorités (en partenariat avec son entourage), puis qui aide à enseigner ces compétences en fonction des possibilités de la personne.

Les patient·e·s concerné·e·s

Essential for Living est destiné aux enfants, adolescent·e·s et adultes présentant des handicaps modérés à sévères : TSA avec DI, polyhandicap, paralysie cérébrale, syndromes génétiques, déficience intellectuelle…, y compris les personnes avec des troubles sévères du comportement.

Ce n’est pas un instrument spécifique orthophonique, il peut être utilisé par des psychologues, éducateurs, ou même des parents.

Je l’utilise pour des enfants à partir de 7-8 ans environ, souvent à la suite de la VB-MAPP, et jusqu’à l’âge adulte.

Les intérêts cliniques majeurs au cabinet

Ai-je vraiment besoin de préciser ? Ce programme est extraordinaire, c’est le seul qui s’adresse aux personnes avec handicap modéré à sévère, le seul qui explore les compétences fonctionnelles, le seul qui ne compare la personne qu’à elle-même et accompagne très bien les professionnel·les au développement de ces compétences. Rien que tout le premier chapitre sur la communication est extrêmement intéressant.

Il vous passionnera si vous suivez au cabinet des profils de ce type, que vous connaissez déjà (même peu) l’ABA et notamment VB, si vous tournez en rond avec des outils développementaux et que vous sentez bien que vos patients ou besoin d’autre chose, si vous souhaitez aider l’entourage à travailler davantage autour de la qualité de vie de la personne, en ciblant les priorités. Et si vous lisez l’anglais 🙂

Sources et documentation

Résumé de la présentation d’EFL, à lire ici

Un échantillon des 3000 compétences listées dans EFL, à lire ici (en anglais)

Tout le site Essential for Living, qui contient des vidéos et de nombreux documents. Les auteurs font aussi régulièrement des sessions questions/réponses gratuites en live.

EBP et orthophonie

J’ai suivi en juin le MOOC Psychologue et orthophoniste : l’EBP au service du patient, de Sylvie Willems, Christelle Maillart, Trecy Martinez Perez et Nancy Durieux de l’Université de Liège, sur la plateforme Fun MOOC. Je vous le conseille (la session que j’ai faite est terminée mais elle est reconduite régulièrement), il est extra !

Néanmoins si vous n’avez pas de temps à y consacrer, je vous en propose ici un petit résumé : les grandes lignes de l’EBP et son application en orthophonie, notamment dans les troubles neurodéveloppementaux que j’affectionne particulièrement.

Alors déjà EBP ça veut dire quoi ?

Evidence-based practice, la pratique basée sur des preuves scientifiques. Comme je dis souvent à mes stagiaires en formation, ce sont sûrement des pratiques que vous utilisez déjà, mais l’idée c’est de les formaliser, peut-être avec des noms différents, d’y réfléchir, de continuer à progresser en tant que pro, de savoir où l’on va, de se remettre en question, etc.

« Si nous tentons de définir simplement l’EBP, nous dirons que c’est l’utilisation de sources d’informations différentes et complémentaires pour prendre les meilleures décisions concernant les soins de patients individuels ». Il s’agit de réduire les incertitudes lors des décisions cliniques. Par exemple : quel outil de CAA proposer à mon patient porteur de polyhandicap ? Quelle guidance sera la meilleure pour encourager cette patiente avec une paralysie cérébrale à imiter ? Comment faire en sorte que ma patiente avec une trisomie 21 fasse des commentaires spontanément ? Que proposer à cette famille pour que leur enfant avec un TSA se fasse des amis ?

Aujourd’hui, de nombreuses approches sont disponibles, beaucoup de matériel, plein de formations, alors il peut être difficile de s’y retrouver, et surtout de proposer à notre patient·e ce qui sera le plus efficace pour lui. L’intuition et le feeling ne suffisent pas, ni même l’expérience.

L’équipe créatrice du MOOC propose de formaliser l’EBP en 4 piliers, autrement dit 4 sources d’informations pertinentes, à exploiter et combiner pour prendre une décision clinique. Les 4 piliers sont de poids équivalent, aucun n’est censé être plus important qu’un autre. Dans le MOOC, les 4 piliers sont définis, puis il est expliqué comment on peut les intégrer ensemble.

(1) Pilier Patient

Il s’agit de prendre en compte ses difficultés, mais aussi ses comorbidités, son contexte social et familial, son origine culturelle, ses valeurs,… Le·la patient·e est notre partenaire, nous sommes sur un pied d’égalité. Il n’est pas question que le·la soignant·e impose et que le·la soigné·e obéisse aveuglement, mais que l’on puisse définir ensemble les objectifs de la prise en soin, selon les objectifs du·de la patient·e, la définition de son mieux-être et la compréhension de ses options, pour pouvoir ensuite effectuer ses choix.

« Il est parfois plus important de savoir quelle sorte de patient présente le trouble que de savoir quel trouble présente le patient. » William Osler

Relier un traitement spécifique à un trouble particulier est une vision incomplète. Il nous faut répondre aux problèmes de notre patient·e en tenant compte des différences individuelles. Il s’agit ainsi d’une réelle collaboration, d’un partenariat, avec un patient actif.

Exemples d’outils pour le pilier patient

  • Éviter le mode paternaliste, où l’on infère des données personnelles, et développer l’écoute active, sans interrompre, sans compléter les phrases de la personne, laisser des silences pour qu’elle puisse réfléchir, encourager, reformuler ce qu’on a compris
  • Prendre conscience et être curieux·se vis-à-vis de la diversité des valeurs, respecter les valeurs différentes des nôtres
  • Reconnaître les difficultés de nos patient·e·s mais aussi leurs ressources et leurs points positifs
  • Proposer aux patient·e·s de prendre des notes
  • L’intégrer dans nos prises de décisions, en expliquant ce qui se passerait si on ne faisait rien
  • A titre personnel, je n’hésite pas à demander aux patient·e·s (ou à la famille pour un enfant) : « qu’attendez-vous de l’orthophonie, comment pensez-vous que les séances vont se passer… » Je me définis parfois comme une « coach » pour les parents d’enfants avec TSA : je leur explique, je leur montre, je les accompagne, je leur donne des exemples, je les outille, mais le travail du quotidien, ce sont eux qui le font auprès de leur enfant.

(2) Pilier expertise du clinicien

Ce pilier regroupe les données internes, composées des connaissances théoriques (sur les troubles, les outils d’évaluation, les outils d’intervention) et les connaissances issues de la pratique, le raisonnement clinique et l’esprit critique – très important ! Rappelons que l’expertise est bien différente de l’expérience, alors que cette dernière est trop souvent mise en avant. Non, ce n’est pas parce que l’on travaille dans un domaine depuis 30 ans que l’on travaille forcément bien, et inversement. L’expertise se développe, se maintient, elle est faite de remises en questions, de formations, de lectures… Il s’agit d’une lutte permanente contre ses incertitudes et en même temps d’une acceptation de la limite de ses connaissances, de ses propres croyances et de ses propres biais.

Exemples d’outils pour le pilier expertise

  • Lutter contre ses propres biais cognitifs
  • Tenter d’infirmer et non pas seulement de confirmer
  • Prendre du temps pendant et après l’intervention pour convertir notre propre pratique en matériel d’apprentissage et augmenter notre expertise réelle
  • Se former régulièrement, en choisissant avec discernement nos formations
  • Connaître ses propres valeurs et préjugés, en analysant de manière approfondie les cas issus de notre pratique

(3) Pilier recherche

C’est souvent la première chose à laquelle on pense quand on parle d’EBP : trouver les meilleures données de la recherche scientifique. Ce pilier consiste à identifier au sein de la littérature scientifique des données de qualité : valides, actuelles et pertinentes pour notre pratique, tout en gardant un œil critique. Cependant, la profusion d’articles scientifiques et leur qualité très inégale rendent la tâche difficile et chronophage.

Exemples d’outils pour le pilier recherche

  • Se poser une question précise, en dégageant des mots-clés
  • Rechercher les données issues de la littérature
  • Evaluer les données de manière critique : validité interne, applicabilité des résultats dans le contexte de notre pratique, présence de biais, critères d’inclusion, qualité méthodologique…

Où chercher les données :

(4) Pilier contexte organisationnel et environnemental

On inclut ici les ressources liées aux politiques de santé et modèles d’organisation des soins, c’est-à-dire les contraintes qui influencent l’acceptabilité, la faisabilité et la mise en œuvre de l’intervention. Il s’agit par exemple du contexte de financement des soins (en France, les soins en orthophonie sont illimités et remboursés au moins à hauteur de 60%, mais la question du financement peut se poser pour les patient·e·s qui n’ont pas de mutuelle ni de protocole ALD et doivent débourser les 40% restants), du climat social, des infrastructures (désert médicaux bonjour), du cadre juridique et politique, etc.

En résumé…

Cet article (écrit à destination des infirmier·ère·s mais la stratégie est identique pour les orthophonistes) résume bien les étapes de l’EBP – il manque néanmoins le contexte :

  • Étape 0 : cultiver un esprit d’investigation
  • Étape 1 : se poser des questions cliniques précises
  • Étape 2 : trouver les meilleurs données scientifiques
  • Étape 3 : évaluer de manière critique ces données
  • Étape 4 : intégrer les données à l’expertise clinique du praticien et aux préférences et valeurs du patient
  • Étape 5 : évaluer les résultats des décisions ou des changements de pratique sur la base de preuves
  • Étape 6 : diffuser les résultats de l’EBP

Sources et documentation

Willems, S., Maillart, C., Martinez Perez, T., Durieux, N. (2020). MOOC Psychologue et orthophoniste : l’EBP au service du patient, plateforme Fun Mooc. Université de Liège.

Maillart, C., Fage, C., Heck, T., Lejeune, M., Grevesse, P., Martinez Perez, T. Comment peut-on mesurer l’efficacité d’une rééducation de manière écologique ? Étude de cas multiples chez des enfants présentant un trouble du spectre autistique. A consulter ici.

Hilaire-Debove, G. Pourquoi et comment évaluer les outils d’évaluation en orthophonie. A consulter ici.