Être soignant·e, c’est accueillir beaucoup. Accueillir la douleur, la souffrance, le mal-être, les difficultés, le handicap… C’est se confronter chaque jour à des situations terribles, des parcours de vie chaotiques, des interrogations, des découragements, des larmes parfois.
Face à cela, comment être dans l’empathie mais garder sa posture, accompagner mais continuer sa journée, accueillir et soigner mais laisser le travail au cabinet ?
J’ai réfléchi récemment aux outils à ma disposition, à ce qui me permet de m’épanouir dans ma pratique, de garder la distance pour accompagner ma patientèle et son entourage au mieux. Et vous, quels sont les vôtres ?
- Mon cadre thérapeutique
Je l’ai déjà évoqué (ici par exemple). Ma réinstallation en libéral a été le fruit d’une longue réflexion, notamment autour du cadre : partenariat parental, paiement à la séance, respect des horaires, plateforme de prise de rendez-vous en ligne, séances sur le temps scolaire uniquement, objectifs de prises en soin précis…
Je crois d’ailleurs que l’on n’y pense pas vraiment en commençant à travailler en libéral. Personnellement, j’ai débuté en collaboration, en reprenant des patients, je me suis intégrée au fonctionnement précédent sans réfléchir précisément à mon cadre, mes limites, mes envies, ni même tout simplement mes horaires (j’avais 75 rendez-vous par semaine car je prenais presque toutes les demandes qui m’étaient adressées).
Ce cadre fait beaucoup pour mon épanouissement. Je lis souvent sur les réseaux des collègues qui aimeraient travailler différemment, mais n’osent pas changer leurs habitudes pour plusieurs raisons. J’ai envie de les encourager à le faire car en libéral notre cadre est à penser totalement, sans faire comme on l’a forcément vu en stage ou en cours, ou comme on le faisait au début de notre carrière. Créer un cadre qui nous ressemble, c’est une (la seule ?) liberté de ce mode d’exercice.
- Mon cadre physique
Dans mon petit bureau (12m2), j’avais peur d’être à l’étroit. Le caractère temporaire de la situation va finalement durer plus longtemps que prévu, mais je me sens bien dans ce petit espace. Un petit bureau, un tapis au sol, un meuble de rangement, c’est tout. Cela m’encourage à ne pas crouler sous le matériel et à ranger à chaque séance.
Ce « cocon » est apparemment agréable pour ma patientèle et son entourage qui me font des retours positifs à son sujet. Cela ne m’empêche pas d’accueillir à chaque séance un ou 2 parents. J’aimerais bien sûr avoir un peu plus d’espace et notamment un canapé, mais en attendant mon bureau à la maison, ce petit bureau économique fait fort bien l’affaire.
- Mon expertise clinique
Je sais que certain·e·s collègues ne sont pas d’accord avec ce qui suit, mais pour moi cela fait partie de mon épanouissement professionnel : ma spécialisation dans les troubles neurodéveloppementaux. La majorité de mes patient·e·s sont porteur·euse·s de Trouble du Spectre de l’Autisme, Troubles Développementaux du Langage, Trouble Déficitaire de l’Attention ou syndromes génétiques. C’est ce qui me passionne depuis plus de 10 ans et c’est ce pour quoi je me suis beaucoup formée (et que je forme à mon tour depuis 8 ans bientôt).
Cette pratique me permet de travailler beaucoup en partenariat parental, de développer les compétences de jeu, de communication et sociales qui sont ce que je préfère faire, d’avoir une sélection de matériel plutôt réduite, et je pense d’être relativement experte dans les prises en soin que je propose. Ce qui évidemment est favorable à ma confiance en moi en tant qu’orthophoniste, et donc à mon épanouissement.
- Mes outils au quotidien
Je pratique tous les jours (ou presque) le yoga et la méditation. Je lis. Je prends du CBD. Je me ressource en famille. Je marche dans la forêt. Je parle à mes proches de mon travail (dans le respect du secret médical bien sûr). Je cuisine. J’écris. Je me connais. Je sais ce qui me fait du bien, j’analyse ce qui me rend inconfortable et je trouve des solutions.