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Retour sur la formation ChronOrtho

J’ai suivi la formation en e-learning de Chronortho par Aude Fresnay et je vous le dis tout de suite : j’ai A-DO-RÉ. (Sinon je n’en ferai pas un article, je vous partage ici seulement ce qui me semble pertinent.)

Présentation

Il s’agit d’une formation totalement en ligne et en vidéo en 5 modules, composés de capsules vidéos très courtes, quelques minutes à chaque fois, ce qui les rend très faciles à intégrer, permet d’en regarder juste quelques-unes sur un moment de pause ou davantage quand on a plus de temps, et d’avoir une structure très claire. Il y a aussi des quizz qui jalonnent le parcours du programme, des auto-réflexions, des annexes en PDF, des petites astuces pour rester concentré…

La formation peut être visionnée pendant un an, à votre rythme.

Vous pouvez prendre les 5 modules dans un pack ou seulement 1 ou 2 modules.

  • module 1 : prise en charge courte durée
  • module 2 : prise en soin intensive
  • module 3 : accompagnement parental
  • module 4 : groupes thérapeutiques
  • module 5 : gestion et solutions de cabinet

Le but est de s’orienter vers « une pratique plus pertinente, dynamique et écologique ». Des suivis plus courts, plus ciblés, des objectifs plus précis, des pauses thérapeutiques, de l’accompagnement parental, des groupes… bref plein d’outils pour une pratique libérale épanouissante et efficace.

Contenu

Aude propose de très nombreux outils, le programme est dense et peut s’adapter à différentes pratiques. Chacun prendra les outils qui lui parlent, selon là où iel en est de sa réflexion par rapport à sa pratique. On peut choisir de faire une pause entre chaque module pour modifier certains éléments, ou de tout regarder à la suite, de révolutionner sa pratique à l’occasion d’une nouvelle année ou d’un changement de cabinet. Bref tout est possible ! Je vous conseille cependant de prendre des notes car vous risqueriez de passer à côté de certains outils sinon.

J’aime ce genre de formation où l’on peut piocher les outils qui nous parlent à un moment, puis y revenir et en prendre d’autres, etc. Le cadre théorique est solide mais pour autant chaque capsule est très digeste, grâce à leur pertinence, la concision et l’humour d’Aude. Ça remue, ça remet en question nos pratiques et ça c’est vraiment chouette ! Pour autant, pas de dogme, et Aude insiste bien sur le fait que le changement n’est pas facile et qu’il est intéressant d’essayer pour voir.

Format

Personnellement j’aime quand c’est structuré, que l’on sait où l’on va, que l’on construit les compétences les unes à la suite des autres de façon logique – les participantes à mes formations vous le diraient. C’est peut-être une forme de rigidité mais j’ai besoin de cette structure, dans les formations que je suis comme dans mes prises en soins. Dans le programme cette logique est tout à fait respectée.

Aude a fait un travail incroyable, le découpage des séquences est excellent, on sait bien où on va. Le fait qu’il y ait beaucoup de visuels en plus de l’audio (citations qui apparaissent, petits schémas, tirets…) était indispensable pour moi qui ait beaucoup de mal avec l’audio pur.

La voix d’Aude est posée et agréable, le rythme de parole me convient parfaitement, vraiment on ne s’endort pas même en regardant beaucoup de vignettes à la suite !

La plateforme est également pratique, visuellement agréable, très pro, et la navigation est aisée.

Applications concrètes

Personnellement, j’étais déjà engagée dans cette direction de suivis plus courts, plus ciblés et plus efficaces, notamment depuis ma reprise du libéral en septembre 2021. Pour autant j’ai appris beaucoup de choses, le programme m’a confortée sur certains points et apporté de nouveaux éléments pour continuer à gagner en efficacité et en pertinence.

Au moment où j’écris cet article, je suis en congé maternité, j’ai fermé le cabinet et reprendrai la pratique libérale dans quelques mois ou années, je l’ignore 🙂 Mais il est certain que j’intégrerai les éléments suivants (je vous cite ce que je fais déjà et les outils nouveaux apportés par Chronortho) :

  • prise en compte de la demande en premier lieu ou travail d’émergence de celle-ci
  • projet thérapeutique constitués d’objectifs fonctionnels atteignables avec prise en compte des préférences patient
  • rééducation intensive (qui ne se limite pas à « voir le patient 2 fois par semaine », loin de là !)
  • présence de l’entourage aux séances dans un objectif de partenariat (parents et fratrie)
  • amélioration des techniques d’entretien
  • utilisation des compte-rendus parentaux (CRP)
  • vidéo feedback
  • groupes thérapeutiques avec objectifs précis
  • plateforme informatique de gestion de la liste d’attente et de prise de rdv
  • trames de CRBO
  • contrôle de l’efficacité du traitement orthophonique

Formation « Accompagnement parental : soutenir les compétences de communication des parents » de Sarah Jullien

J’ai assisté début mars à la formation de Sarah Jullien par l’intermédiaire de l’organisme de formation des amis OséO formation, en présentiel à Lyon. Petit retour enthousiaste en toute honnêteté.

En un mot j’ai adoré, tant pour le contenu que pour la pédagogie de Sarah. Son dynamisme, ses exemples cliniques, le format de la formation, sa bienveillance et sa gentillesse ont fait de ces 2 jours un moment riche d’apprentissage et de remises en question (personnellement j’aime ça !).

Sans révéler le contenu de la formation à laquelle je vous encourage à assister si le sujet vous intéresse, j’ai souhaité faire des focus sur 3 notions importantes qui sont abordées pendant ces 2 jours (avec l’accord de Sarah je précise) : le sentiment de compétence parental, le PIOC et le vidéo feedback.

Le sentiment de compétence parentale

C’est la perception qu’a un parent de ses habiletés à s’occuper de son enfant. Les études montrent qu’en cas de troubles du langage, ce sentiment est affaibli : les parents ne savent pas toujours comment développer la communication de leur enfant et peuvent se sentir démunis. Le niveau de stress quand on a un enfant avec un TSA s’apparenterait d’ailleurs à celui subi lors d’un syndrome de stress post-traumatique.

Le SCP fait partie des facteurs qui influencent la participation du parent dans l’intervention. Il nous faut tenter de l’évaluer puis de le développer au cours du suivi, car plus le sentiment de compétence parentale est élevé, plus la mise en place d’attitudes de communication est réussie.

C’est un sujet qui me parle beaucoup. J’accueille toujours les parents en séance, et les valoriser dans ce qu’ils font est l’un de mes objectifs principaux.

Le plan d’intervention orthophonique concerté ou PIOC

L’idée est de co-construire un plan thérapeutique avec les parents, pour une décision partagée et éclairée. Il s’agit de définir des objectifs mesurables en les priorisant. J’en parlais d’ailleurs dans cet article. Le temps où le thérapeute élabore ses objectifs de son côté sans faire participer les parents est à mon sens révolu. Il est primordial que l’entourage puisse nous guider dans la construction des objectifs, pour que le suivi ait un réel impact sur la communication fonctionnelle. De plus, des parents qui partagent nos objectifs seront plus motivés et leur SCP sera plus important.

Le vidéo feedback

Il s’agit de proposer aux parents de se filmer dans des situations de communication du quotidien avec leur enfant (jeu, routine, repas,…) puis de leur proposer un feedback sur ces situations. Qu’est-ce qui fait que leur enfant les regarde, pointe, parle, imite, interagisse, joue avec eux ? Comment pourraient-ils le faire davantage ? J’ai retrouvé dans les éléments apportés par Sarah des notions que j’ai apprises en formation au programme Hanen®️ et qui sont très intéressantes dans nos suivis.

Cela demande un peu de logistique mais les bénéfices sont importants. Cela permet d’inclure les parents et de les accompagner en personnalisant par rapport au stade où ils en sont actuellement. Encore une fois le SCP s’en trouve souvent amélioré.

Les formations que j’ai suivies (et aimées !)

Aujourd’hui un post sur la formation continue. Les orthophonistes ont un champ de compétences très large, et se forment énormément. L’offre de formation est d’ailleurs importante et c’est tant mieux.

Un petit rappel ici d’ailleurs : tout le monde peut être formateur·rice. Il n’y a pas de diplôme spécifique à passer, d’expériences ou de certification à avoir. Il faut demander un numéro de formateur·rice après la première formation et respecter des contraintes administratives (bilan pédagogique et financier tous les ans). Ce qui fait la popularité d’une formation est donc sa qualité, le bouche-à-oreille, la pédagogie de la personne qui forme… tout cela étant à l’appréciation des personnes formées !

Comment je choisis mes formations

J’ai suivi de nombreuses formations pendant mes premières années d’exercice, dans des domaines variés. Je pense que c’est le cas de pas mal de collègues sortant de l’école d’orthophonie, pour la même raison que l’on achète au début beaucoup de matériel : on manque de confiance et d’expérience. Mes critères de choix étaient peu nombreux à cette époque, ma disponibilité et mes possibilités financières en tête. Puis j’ai gagné en expérience, en expertise, en confiance et j’ai réduit également le nombre de domaines que j’accompagne.

Aujourd’hui pour choisir une formation, je cible :

  • un contenu en lien avec ma pratique axée sur les troubles neurodéveloppementaux, et plus particulièrement les TSA
  • un·une formateur·rice que je connais ou dont j’ai lu des interventions sur les réseaux sociaux ou dans un article
  • une formation qui s’appuie sur l’EBP (je regarde le programme et je consulte la bibliographie)
  • les avis de collègues

Les formations que j’ai suivies, que j’ai appréciées et qui influencent ma pratique

Sans ordre particulier :

  • le DU « analyse du comportement appliquée aux troubles du développement et du comportement » de l’Université de Lille
  • les formations de Caroline Peters
  • des congrès sur l’ABA
  • les formations très pratiques de Laurence Boukobza
  • la formation Chronortho d’Aude Fresnay (dont je vous reparlerai !)
  • la certification Hanen More Than Words
  • le MOOC EBP de l’Université de Liège (qui commence à nouveau le 21 février)
  • la formation Alimentation et TSA d’Agathe Chabroud
  • la formation Jeu dans les TSA et les DI de Lauriane Venin (avis objectif même si c’est mon amie : formation top !)

Je ne parle pas des formations dont j’aurais pu me passer, mais il y en a également plusieurs… 🙂

Trouble du Spectre de l’Autisme : ce que la recherche nous dit

traduction d’un article du Centre Hanen

Critères du DSM : TSA et trouble de la communication sociale

  • Trouble du spectre de l’autisme

    A. Difficultés persistantes dans l’utilisation sociale de la communication verbale et non verbale.
    B. Caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités, soit au cours de la période actuelle soit dans les antécédents.
    C. Les symptômes doivent être présents dès les étapes précoces du développement (mais ils ne sont pas nécessairement pleinement manifestes avant que les demandes sociales n’excèdent les capacités limitées de la personne, ou ils peuvent être masqués plus tard dans la vie par des stratégies apprises).
    D. Les symptômes occasionnent un retentissement cliniquement significatif en termes de fonctionnement actuel social, scolaire/professionnel ou dans d’autres domaines importants.
    E. Ces troubles ne sont pas mieux expliqués par un trouble du développement intellectuel ou un retard global du développement.

    Par rapport au DSM IV : il n’y a plus de sous catégories, on ne parle plus d’autisme, de Troubles Envahissants du Développement ou de Syndrome d’Asperger, mais seulement de Trouble du Spectre de l’Autisme. Les difficultés de langage ne sont plus un critère diagnostique, et les différences dans l’intégration sensorielle sont incluses.
    Dans le DSM 5, on parle donc de TSA en spécifiant : avec ou sans déficit intellectuel associé, avec ou sans altération du langage associée, associé à une pathologie médicale ou génétique connue ou à un facteur environnemental, associé à un autre trouble développemental, mental ou comportemental.
  • Trouble de la communication sociale

    A. Difficultés persistantes dans l’utilisation sociale de la communication verbale et non verbale.
    B. Déficiences entraînant des limitations fonctionnelles dans les domaines suivants : communication, intégration sociale, relations sociales, réussite scolaire, performances professionnelles.
    C. Les symptômes débutent pendant la période précoce du développement (mais il se peut que les déficiences ne deviennent manifestes qu’à partir du moment où les besoins en termes de communication sociale dépassent les capacités limitées de la personne).
    D. Les symptômes ne ne sont pas mieux expliqués par un trouble du spectre de l’autisme, un trouble du développement intellectuel, un retard global du développement ou un autre trouble mental.

    Par rapport au DSM IV : le trouble de la communication sociale est un nouveau diagnostic et n’existait pas dans le DSM IV.

Prévalence du TSA

Aux Etats-Unis, la prévalence est actuellement estimée à 1/68 d’après les CDC (Centers for Disease Control). En France elle serait de 1/135 (rapport d’estimation de la prévalence à partir du recours aux soins dans le Système national des données de santé (SNDS), France, 2010-2017, à consulter ici).

Co-occurence du TSA

  • Les garçons sont 2,5 à 4 fois plus susceptibles que les filles d’être diagnostiqués.
  • Les frères et sœurs de personnes atteintes de TSA sont plus susceptibles d’être diagnostiqués.
  • Les jumeaux de personnes atteintes de TSA ont un risque accru d’être diagnostiqués.
  • 10 % des personnes atteintes de TSA ont également d’autres maladies génétiques ou chromosomiques, telles que la trisomie 21 et le syndrome de l’X fragile.

Causes du TSA

  • Génétiques :

Des différences génétiques ont été trouvées chez environ 25% des personnes atteintes de TSA.
• Aucun chromosome spécifique n’est impliqué dans le TSA — des différences dans plus de 100 chromosomes ont été identifiées.
• De rares variations du nombre de copies ont été liées à l’autisme — chromosomes ou parties de chromosomes qui ont été copiés un nombre anormal de fois.
• Des réarrangements chromosomiques, des mutations et des délétions ont également été liés aux TSA.

  • Environnementales :

• Certaines recherches établissent un lien entre l’exposition prénatale à des niveaux élevés de pollution de l’air et de pesticides et les TSA — les preuves ne sont pas concluantes.
• Facteurs prénataux associés au TSA : âge maternel/paternel avancé, saignement gestationnel maternel, diabète gestationnel, utilisation maternelle d’antidépresseurs
• Certains événements d’accouchement associés au TSA : poids de naissance faible et extrêmement élevé, complications du cordon ombilical, faible score APGAR à 5 minutes, détresse fœtale.

  • Différences neurologiques :

On retrouve certaines différences dans le cerveau des personnes atteintes de TSA :

  1. amygdale
    • partie du système limbique, responsable de la formation et du stockage des souvenirs émotionnels, qui serait de plus grande taille chez les personnes atteintes de TSA
    • interaction altérée entre l’amygdale et d’autres zones du cerveau,
    en particulier pendant les tâches de traitement du visage
    • pourrait expliquer les difficultés à regarder les visages des autres
  2. prolifération cérébrale précoce
    • à la naissance, le tour de tête est normal mais augmente significativement durant l’enfance chez les enfants avec TSA
    • à l’adolescence/à l’âge adulte, le cerveau est dans la normale ou plus petit que la moyenne
    • l’élimination naturelle des mauvaises cellules cérébrales au cours du deuxième trimestre a moins lieu — entraîne une surabondance de 67 %
    • un nombre excessif de mauvaises cellules crée des zones anormales, en particulier dans les lobes frontaux/temporaux (responsables du traitement social et émotionnel complexe)
    • le cerveau peut parfois apprendre à se débarrasser de ces mauvaises connexions après de nombreuses années, ce qui entraîne une amélioration ou une récupération
  3. voies de substance blanche
    • connecte différentes zones du cerveau ensemble
    • manque de structure et d’intégrité des voies reliant les zones de traitement social

Signes d’appel du TSA (souvent vers 12 mois)

  • Interaction sociale

• Manque d’expression de joie
• Difficultés au niveau de : attention conjointe, regard, sourire social/réciproque,
intérêt social et partagé, montrer des objets aux autres
• Se concentre davantage sur les objets que sur les personnes.

  • Communication

• Utilisation limitée ou absence de gestes
• Difficultés au niveau de : réponse au prénom, babillage à tour de rôle, utilisation
des gestes, y compris le pointage, coordination de différents modes de communication, imitation des sons de la parole, utilisation de la prosodie appropriée.

  • Jeu

• Imitation réduite avec des objets
• Jeu avec des jouets limité : actions répétitives avec des jouets et des objets, manipulation excessive et exploration surtout sensorielle.

  • Comportements restreints et répétitifs

Les comportements restreints et répétitifs peuvent être observés chez les enfants au développement typique et chez les enfants atteints de retards/troubles non TSA.
• Les enfants qui ont un TSA présentent plus de comportements restreints et répétitifs que les autres enfants.
• Les comportements restreints et répétitifs chez les enfants au développement typique diminuent avec l’âge.

Domaines de développement à évaluer par l’orthophoniste

  • Attention conjointe
  1. Varier le regard entre la personne et l’objet
  2. Suivre le pointage d’une autre personne
  3. Pointer
  4. Montrer quelque chose à une autre personne
  5. Suivre le regard d’un autre
  • Imitation

L’imitation avec des objets est associée au développement dans le jeu.
L’imitation des actions est associée au développement du langage expressif.

  • Jeu
  1. Jeu avec des personnes (sans objets)
  2. Jeu exploratoire
  3. Jeu fonctionnel
  4. Jeu de faire semblant

Certifiée More Than Words®️ (Au-delà des mots) du centre Hanen !

Je sors de 4 jours de formation (en visio) avec le Centre canadien Hanen, organisme à but non lucratif fondé en 1975 par une orthophoniste qui a vu dans l’implication des parents dans l’intervention langagière précoce de leur enfant un grand potentiel jusqu’ici peu exploité.

Et c’était… fantastique !

Le centre Hanen propose des certifications pour les orthophonistes du monde entier, pour leur permettre d’offrir à leur tour des ateliers pour les parents d’enfants qui ont un retard dans le développement du langage et/ou un trouble du spectre de l’autisme. Il s’agit de programmes pour les parents composés d’ateliers de groupes et de consultations individuelles avec les parents et l’enfant. Ce format permet aux parents d’apprendre comment fonctionne leur enfant, de rencontrer d’autres parents et de suivre un plan personnalisé avec l’accompagnement de l’orthophoniste-formatrice. Il a fait l’objet de nombreuses études et les résultats sont tout à fait probants.

Il existe actuellement 5 programmes pour les parents (2 concernant les retards dans le développement du langage, 2 concernant les troubles du spectre de l’autisme et 1 sur la littératie).

J’ai suivi le programme More Than Words®️ (Au-delà des mots en français), pour les parents d’enfants jeunes présentant un TSA ou avec suspicion de TSA ou des difficultés de communication sociale. J’ai choisi la version en 4 jours à la place des 3 habituels, réservée aux orthophonistes dont l’anglais n’est pas la langue maternelle. Nous étions 15 orthophonistes du monde entier (Canada, Italie, Corée, Australie, Arabie Saoudite…) et la formation était très interactive, bien plus que certaines formations présentielles. Nous avons pu travailler en groupe, sur certains de nos patients, il y a de nombreuses vidéos à commenter, et la formatrice était particulièrement expérimentée et bienveillante.

Le contenu est très intéressant et tout à fait en accord avec ma façon de travailler actuelle : partenariat parental, importance du jeu, communication avant le langage, interactions sociales, valorisation des compétences des parents et de l’enfant, objectifs précis fixés en concertation… Je suis très enthousiaste comme vous pouvez le voir !

Je vais donc commencer à proposer des ateliers More Than Words®️ pour les parents. Vous trouverez toutes les informations sur cette page. N’hésitez pas à transmettre le lien aux parents que vous connaissez qui pourraient être intéressés, aux centres diagnostics ou structures type CAMSP. Et je suis à votre disposition pour toute question !

Ressources

Site Hanen (en anglais) : informations sur les programmes, les formations, articles de blog, boutique pour commander livres et DVD…

Orthophoniste épanouie dans sa pratique

Être soignant·e, c’est accueillir beaucoup. Accueillir la douleur, la souffrance, le mal-être, les difficultés, le handicap… C’est se confronter chaque jour à des situations terribles, des parcours de vie chaotiques, des interrogations, des découragements, des larmes parfois.

Face à cela, comment être dans l’empathie mais garder sa posture, accompagner mais continuer sa journée, accueillir et soigner mais laisser le travail au cabinet ?

J’ai réfléchi récemment aux outils à ma disposition, à ce qui me permet de m’épanouir dans ma pratique, de garder la distance pour accompagner ma patientèle et son entourage au mieux. Et vous, quels sont les vôtres ?

  • Mon cadre thérapeutique

Je l’ai déjà évoqué (ici par exemple). Ma réinstallation en libéral a été le fruit d’une longue réflexion, notamment autour du cadre : partenariat parental, paiement à la séance, respect des horaires, plateforme de prise de rendez-vous en ligne, séances sur le temps scolaire uniquement, objectifs de prises en soin précis…

Je crois d’ailleurs que l’on n’y pense pas vraiment en commençant à travailler en libéral. Personnellement, j’ai débuté en collaboration, en reprenant des patients, je me suis intégrée au fonctionnement précédent sans réfléchir précisément à mon cadre, mes limites, mes envies, ni même tout simplement mes horaires (j’avais 75 rendez-vous par semaine car je prenais presque toutes les demandes qui m’étaient adressées).

Ce cadre fait beaucoup pour mon épanouissement. Je lis souvent sur les réseaux des collègues qui aimeraient travailler différemment, mais n’osent pas changer leurs habitudes pour plusieurs raisons. J’ai envie de les encourager à le faire car en libéral notre cadre est à penser totalement, sans faire comme on l’a forcément vu en stage ou en cours, ou comme on le faisait au début de notre carrière. Créer un cadre qui nous ressemble, c’est une (la seule ?) liberté de ce mode d’exercice.

  • Mon cadre physique

Dans mon petit bureau (12m2), j’avais peur d’être à l’étroit. Le caractère temporaire de la situation va finalement durer plus longtemps que prévu, mais je me sens bien dans ce petit espace. Un petit bureau, un tapis au sol, un meuble de rangement, c’est tout. Cela m’encourage à ne pas crouler sous le matériel et à ranger à chaque séance.

Ce « cocon » est apparemment agréable pour ma patientèle et son entourage qui me font des retours positifs à son sujet. Cela ne m’empêche pas d’accueillir à chaque séance un ou 2 parents. J’aimerais bien sûr avoir un peu plus d’espace et notamment un canapé, mais en attendant mon bureau à la maison, ce petit bureau économique fait fort bien l’affaire.

  • Mon expertise clinique

Je sais que certain·e·s collègues ne sont pas d’accord avec ce qui suit, mais pour moi cela fait partie de mon épanouissement professionnel : ma spécialisation dans les troubles neurodéveloppementaux. La majorité de mes patient·e·s sont porteur·euse·s de Trouble du Spectre de l’Autisme, Troubles Développementaux du Langage, Trouble Déficitaire de l’Attention ou syndromes génétiques. C’est ce qui me passionne depuis plus de 10 ans et c’est ce pour quoi je me suis beaucoup formée (et que je forme à mon tour depuis 8 ans bientôt).

Cette pratique me permet de travailler beaucoup en partenariat parental, de développer les compétences de jeu, de communication et sociales qui sont ce que je préfère faire, d’avoir une sélection de matériel plutôt réduite, et je pense d’être relativement experte dans les prises en soin que je propose. Ce qui évidemment est favorable à ma confiance en moi en tant qu’orthophoniste, et donc à mon épanouissement.

  • Mes outils au quotidien

Je pratique tous les jours (ou presque) le yoga et la méditation. Je lis. Je prends du CBD. Je me ressource en famille. Je marche dans la forêt. Je parle à mes proches de mon travail (dans le respect du secret médical bien sûr). Je cuisine. J’écris. Je me connais. Je sais ce qui me fait du bien, j’analyse ce qui me rend inconfortable et je trouve des solutions.

Ressources sur l’éthique dans le soin

Dans le domaine de la santé, l’éthique est un questionnement permanent qui vise à déterminer comment agir au mieux, dans le respect des personnes. Elle nécessite une réflexion collective pour aboutir à des choix ajustés et raisonnables, encadrés par la loi et résultant de l’étude de diverses possibilités.

En orthophonie, la notion d’éthique peut concerner par exemple :

  • la réflexion sur l’arrêt d’une prise en soins et la décision partagée à ce sujet
  • le secret professionnel
  • la notion d’urgence et de priorités
  • notre attitude face aux émotions d’un parent
  • nos moyens de nous exprimer en cas d’absences répétées
  • notre façon de gérer les paiements et éventuelles difficultés financières
  • l’inclusivité de notre cabinet (locaux, attitude, matériel…)
  • les objectifs fixés en concertation
  • la valeur du partenariat parental

Je vous partage aujourd’hui mes ressources préférées sur l’éthique dans le domaine du soin.

Martin Winckler : médecin généraliste mais ses écrits s’adaptent tout à fait à notre pratique et ont éveillé de nombreuses réflexion chez moi. « Le patient et le médecin » (2014) (disponible en téléchargement gratuit ici), « les Brutes en blanc » (2016), « les Droits du patient » (2007) et ses romans (« le Choeur des femmes » notamment).

Baptiste Beaulieu : médecin généraliste également et romancier, ses romans ne parlent pas à ma connaissance du soin mais ses interventions sur son compte Instagram et ses chroniques sur France Inter (« Alors voilà ») sont souvent percutantes.

Ce document « éthique en santé : repères pour les soignants » du Réseau de Coordination Champagne Ardennes (rédigé initialement pour la gérontologie et les soins palliatifs mais intéressant).

Les recommandations de bonne pratique de la HAS concernant le questionnement éthique dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux.

L’ouvrage Ethique en orthophonie – Le sens de la clinique de Mireille Kerlan.

Le DU Ethique soin santé de l’Université de Lorraine

La charte éthique de la FNO

N’hésitez pas à partager vos ressources en commentaires, je les ajouterai dans l’article.

Être soignant·e et neurodivergent·e

Neurodivergence, neuroatypie, neurodiversité ?

La neurodivergence est un mot parapluie pour décrire quiconque ayant un fonctionnement neurologique différent de la majorité des personnes (dites neurotypiques). Etre neurodivergent n’est pas une maladie, c’est fonctionner différemment. Cela peut cependant constituer un handicap dans notre société très normative. Ce fonctionnement fait partie de l’identité et souvent de la personnalité de la personne concernée.

Le terme neurodivergence implique une différence, tandis que le terme neuroatypie renvoie davantage à une norme, même si la nuance est fine.

La neurodiversité est un terme générique regroupant notamment les troubles du spectre de l’autisme, le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité, le haut potentiel, la dyslexie, la dyscalculie, le syndrome de Gilles de la Tourette, mais également la neurotypicalité. C’est l’idée que, comme dans tout autre environnement stable, les êtres humains sont différents et complémentaires, en l’occurrence par le biais de leurs cerveaux. Les neuroatypiques sont aussi distincts les uns des autres que les neurotypiques.

Quand on aborde le fonctionnement neurologique sous l’angle de la diversité, l’idée est également de se demander si les « déficiences » ne seraient pas seulement des « différences », où se situent la norme et le handicap, et d’explorer avec cette notion philosophico-éthique de déficience qui est très liée à l’environnement dans lequel on évolue (impact fonctionnel du handicap).

Ëtre soignant et neurodivergent, limitant ou aidant ?

Je crois qu’il n’existe pas de réponse absolue. Cela dépend de la façon dont la neurodivergence est abordée par le·la soignant·e, sa connaissance de ses forces et de ses fragilités, de ses possibilités de compensation de certaines difficultés, et de sa patientèle.

Comme pour beaucoup d’aspects de la vie d’un·e neurodivergent·e, je suis profondément convaincue que la meilleure façon d’aborder les choses dans notre métier est de connaitre son propre fonctionnement, ses limites, ses outils indispensables, ses facilités, ses ressources.

Finalement, notre fonctionnement peut être à la fois limitant et aidant, selon les jours, les patient·e·s, les familles…

Mais puisque chaque personne est différente, je ne peux vous parler que de ma propre expérience.

Mon cas personnel

Je suis neurodivergente et j’ai une patientèle en majorité issue de la neurodivergence : déficience intellectuelle, troubles du spectre de l’autisme, TDAH, polyhandicap, haut potentiel, TDL.

Je pense que le gros point positif de ma neurodivergence est cette empathie et cette connaissance de l’intérieur que j’ai, même si évidemment chaque personne a un fonctionnement particulier.

Il m’arrive régulièrement d’aborder ma neurodivergence avec mes patient·e·s (enfants et ados) et leurs parents, en n’omettant jamais de dire que tous les profils sont différents. Vivre les choses de l’intérieur m’aide notamment à leur expliquer les troubles d’intégration sensorielle, la fatigue engendrée par les stimulations, les efforts à déployer pour les interactions sociales, les ressources attentionnelles différentes…

Je pense par exemple à une famille qui ne comprenait pas que leur enfant, pour se concentrer et lire, avait besoin de bouger ou d’écouter de la musique. Ils voulaient absolument qu’il reste assis et dans le silence, car c’est ainsi qu’eux arrivaient à se concentrer. J’ai pris mon cas personnel : j’écris cet article en regardant un film que je connais bien, sans le son, en écoutant un podcast et en faisant un défi de sudoku. J’ai besoin pour me concentrer de cette pluralité d’apports que je choisis. A l’inverse, un petit bruit ou un vêtement inconfortable peut totalement m’empêcher de me concentrer. Je leur ai expliqué que chaque personne mobilise son attention de manière différente, et que leur rôle était plutôt d’aider leur enfant à trouver sa façon à lui de la mobiliser.

Je demande également à mes patient·e·s en début de prises en soin si cela est possible pour eux, ou avec le concours de l’entourage, d’essayer de trouver les choses qui les apaisent. C’est une des clés selon moi du bien-être, et donc de la disponibilité en séance. Nous commençons souvent la séance par ça. Cela prend régulièrement la forme de régulation sensorielle : quelques balancements, de la musique, malaxer de la pâte à modeler, une méditation, un massage, une pause silencieuse, s’allonger une minute au sol… Ces éléments évoluent souvent, et j’encourage mes patient·e·s à s’interroger sur leurs ressentis et leurs besoins. C’est aussi très aidant pour proposer des aménagements pour les temps scolaires, le centre de loisirs ou autre.

Bien sûr, il y a le revers de la médaille, et les choses qui sont plus difficiles au quotidien.

L’hypersensibilité sensorielle (présence de néons, d’odeurs, matière d’une chaise, bruits, cris…) peut prendre beaucoup de place, et la gestion de cette hypersensibilité est extrêmement fatigante car il faut sans arrêt réussir à éviter de trop y penser pour se concentrer – si c’est possible. J’ai dû par exemple arrêter d’intervenir dans une structure pour des raisons sensorielles.

Les interactions sociales sont aussi très coûteuses, pas dans le temps de séances mais plutôt les « à côté », les small talks, la gestion des prises de rendez-vous (mais je suis bien aidée par Perfactive !), la diplomatie et la patience ne me caractérisant absolument pas.

L’intolérance à l’injustice et à l’incompétence, le perfectionnisme, et des tas d’autres choses ont conditionné ma façon de travailler en termes de statut, d’horaires ou encore de patientèle. La chance que j’ai est de travailler en libéral et de pouvoir choisir dans une certaine mesure mes conditions de travail.

Je suis curieuse de vos partages d’expériences !

Sources et documentation

Un article intéressant ici

Co-construire une prise en soin avec l’entourage

Dans cet article, j’utilise le terme « entourage » pour parler du ou des parents, des proches et des professionnel·le·s du quotidien (éducateur·rice·s, AMP, ME,…) si la personne est accueillie en structure.

Construire une prise en soin orthophonique, notamment celle d’une personne avec un handicap de communication, mais pas que, ne se fait définitivement pas seul·e. Il est indispensable de pouvoir la penser et l’élaborer avec l’entourage de la personne, voire de la personne elle-même si c’est possible. Par construction, j’entends réfléchir ensemble aux domaines que l’on va travailler, aux objectifs précis au sein de ces domaines, et aux supports thérapeutiques que l’on va mettre en œuvre. Pour moi il s’agit réellement de partenariat et donc de co-construction d’un projet autour de la personne, pour la personne, avec la personne.

Dans mes séances je demande la présence de l’entourage, que ce soit pour un·e patient·e présentant un handicap, un trouble du langage oral ou écrit, une déglutition atypique…

Réfléchir aux domaines

Aborder ce point dès la première rencontre au moment du bilan orthophonique est indispensable. Il s’agit de demander à l’entourage et à la personne elle-même pourquoi ce rendez-vous a été pris, quelles sont les difficultés rencontrées, quels sont les domaines dans lesquels la personne semble avoir des forces et ceux pour lesquels elle semble être en difficulté. Si la demande vient d’une tierce personne (médecin, enseignant·e,…), il est bon de voir si la plainte est reprise par l’entourage, si une demande d’aide peut émerger de l’entourage ou de la personne elle-même, et essayer de l’affiner vers les domaines de difficulté. On peut demander tout simplement ce que l’entourage aimerait voir s’améliorer, en pensant notamment à la qualité de vie globale de la personne et non pas seulement aux répercussions académiques (les résultats scolaires par exemple).

Exemple : un bilan est demandé car l’enseignant·e a repéré des difficultés de prononciation chez l’enfant. On va demander aux parents s’ils trouvent eux aussi que leur enfant présente ces difficultés, ce qu’en pense cet enfant, s’ils aimeraient que cela s’améliore, quel est l’impact de ces difficultés sur la communication et le quotidien de l’enfant. Si la plainte n’est pas reprise, et qu’il n’y a finalement pas de plainte des parents ou de l’enfant, la prise en soins risque d’être difficile, même si de réels troubles ont été mis en évidence par l’évaluation orthophonique.

Quand le bilan orthophonique est réalisé, que les difficultés ont été objectivées, nous pouvons reprendre ensemble les domaines les plus touchés. Il m’est arrivé par exemple d’avoir une demande au sujet de l’articulation, que les parents jugeaient fortement touchée. Le bilan a révélé un trouble de la communication massif (il s’est avéré que l’enfant présentait en fait un TSA). Nous avons donc ensuite réajusté ensemble les domaines prioritaires à travailler, notamment en expliquant comment se développent le langage et la communication, ce qui est le plus important au quotidien ou encore dans quel ordre nous travaillons les domaines.

Ces domaines peuvent être :

  • L’apprentissage du langage écrit
  • L’efficacité de la lecture
  • Le développement du vocabulaire
  • L’allongement des phrases
  • L’amélioration de l’orthographe grammaticale
  • La précision de l’articulation
  • L’apprentissage de la déglutition adulte
  • Les interactions sociales

Réfléchir aux objectifs

Une fois que nous avons un peu « débroussaillé » et que nous sommes d’accord sur le ou les domaine·s à travailler, il va s’agir de co-élaborer des objectifs précis sur lesquels nous allons travailler ensemble.

Grâce à notre bilan orthophonique détaillé, nous pouvons proposer des objectifs à court, moyen et long terme, et expliciter les moyens à notre disposition pour atteindre ces objectifs. A nouveau, c’est un travail de co-construction, l’idée n’étant pas de décider seul·e, en vase clos, mais de discuter avec l’entourage, de questionner, de prendre en compte les priorités et les contraintes.

En reprenant par exemple le domaine de l’allongement des phrases, les objectifs pourraient être :

  • Utiliser des adjectifs de façon quotidienne
  • Construire des phrases avec des subordonnées relatives
  • Augmenter la longueur moyenne des énoncés de 2-3-4… éléments
  • Raconter sa journée avec des phrases SVC en majorité

Si nous voulons que le travail effectué en séance soit une impulsion à ce qui est fait au quotidien et qu’il soit généralisé, nos objectifs en tant que professionnel·le doivent absolument être partagés avec l’entourage. Sinon il est clair que l’investissement sera moindre, car la motivation sera moins présente (« il va chez l’ortho, il joue, on ne sait pas trop pourquoi »). Et les progrès certainement faibles.

Pour que les objectifs soient partagés, ils doivent être élaborés, réfléchis, remaniés, adaptés, ensemble, jusqu’à parvenir à un consensus. Ils seront parfois moins hauts que si nous les avions construits seul·e, mais ils conviendront à l’entourage et c’est le plus important. Inversement, si l’entourage vise trop haut, ce sont nos explications du trouble et des possibilités d’intervention qui aideront à adapter les exigences/espérances.

Et bonus : des objectifs bien connus de l’entourage pourront être partagés aux différents interlocuteurs (Education Nationale, centre de loisirs, autre professionnel de santé…) par l’entourage lui-même !

Réfléchir aux supports thérapeutiques

Ces supports à penser ensemble peuvent être notamment :

  • La fréquence des séances

Nous donnons en tant que professionnel·le une indication sur la fréquence optimale des séances (chez moi c’est 2 séances hebdomadaires le plus souvent), mais il faut également prendre en compte les contraintes organisationnelles (travail des parents, accompagnement possible), matérielles (véhicule par exemple) ou financières (par exemple si le·la patient·e n’a pas de mutuelle).

  • La durée de la prise en soin

Il est évidement difficile de donner une durée, car nous ne connaissons pas l’évolution de notre patient·e a priori. Nous pouvons cependant donner un ordre de grandeur. De mon côté, je me base sur la NGAP : je propose de faire une demande pour une première série de 30 ou 50 séances selon les cas, et je dis que nous ferons le point à l’issue de cette série sur nos objectifs. A ce moment, nous échangerons sur l’évolution de leurs attentes, leurs envies, leurs besoins, les progrès, les priorités, l’impact de cette prise en soin sur le·la patient·e mais aussi son entourage.

  • La mise en place d’un outil de communication alternative et améliorée

Si la mise en place d’une CAA est indiquée pour le·la patient·e, il y aura certainement un temps d’échange autour du choix de l’outil. Comme pour le reste, l’orthophoniste va apporter des éléments, des explications, des préconisations, et le choix final devra idéalement être effectué avec l’entourage.

  • L’automatisation d’une déglutition fonctionnelle

Nous allons par exemple proposer aux parents d’accompagner l’enfant dans ses exercices, de lui faire penser régulièrement à sa posture de langue, de mettre en place des pense-bêtes à la maison.

  • Les supports sur lesquels poursuivre au quotidien

Je pense aux livres, aux jeux, aux activités du quotidien (cuisine, jardinage, promenade) : tout ce qui va permettre au·à la patient·e de continuer à mobiliser et à développer ses compétences les plus fragiles en dehors de la séance d’orthophonie. Je pense que c’est une grande part du partenariat parental. Il s’agit de transférer les interactions et le travail que nous faisons en séance au quotidien du·de la patient·e, pour l’intégrer dans son environnement naturel et obtenir ainsi un gain fonctionnel. Je l’avoue, je n’aime pas trop l’expression « reprendre à la maison » ce qui est fait en séance. Pour moi, il ne s’agit pas de « devoirs d’orthophonie » (expression déjà entendue) en utilisant du matériel du cabinet mais d’une continuité des attitudes, étayages, aides, propositions, conseils… que j’ai pu modéliser en séance en prenant comme support le quotidien.

A nouveau sur le domaine de l’allongement des phrases, avec l’objectif « construire des phrases avec des subordonnées relatives », les supports du quotidien pourraient être : regarder un livre et produire des commentaires en utilisant le pronom relatif « qui », reformuler 2 phrases spontanées de l’enfant pour en faire une seule avec une subordonnée relative, jouer à un jeu de dinette/poupée/dans le bain/… en modélisant des phrases avec subordonnées relatives, …

  • Des idées pour écrire à la maison

Pour le langage écrit, j’aime bien donner quelques idées pour que l’écriture devienne un outil plutôt qu’une contrainte pour l’enfant. Cela peut être par exemple fabriquer une petite boite aux lettres où chacun peut poster des messages pour un autre membre de la famille, écrire un livre ensemble avec des illustrations, proposer d’écrire une lettre à un·e cousin·e/un·e ami·e sur du beau papier à lettres, s’écrire des messages secrets, faire une chasse au trésor (des indices successifs à trouver jusqu’à l’endroit final où se trouve un bonbon !), demander un menu spécial par écrit…

J’envisage ainsi davantage mon intervention comme un accompagnement (coaching) de l’entourage plutôt qu’une intervention directe isolée auprès du·de la patient·e, pour plus d’efficacité, un travail plus fonctionnel et des compétences utilisables dans la vraie vie, celle en dehors du cabinet ! De cette manière, les pauses thérapeutiques sont également plus efficaces : l’entourage a un bagage pour poursuivre l’accompagnement du·de la patient·e à la maison/dans la structure, car on a donné des outils pour cela.

Les qualités pour être orthophoniste

J’ai lancé un sondage tout à fait informel sur un groupe Facebook d’orthophonistes il y a quelques semaines, en demandant quelles étaient selon mes collègues les qualités indispensables à la pratique du métier d’orthophoniste. J’ai eu des réponses de la part d’une cinquantaine de personnes.

J’ai tenté de classer ces qualités selon plusieurs catégories :

  • Les qualités qui s’exercent en tant que clinicien·ne
  • Les qualités qui s’exercent en tant que thérapeute
  • Les qualités qui s’exercent en tant que professionnel·le recevant du public

Il y a eu plusieurs commentaires expliquant que le·a professionnel·le n’avait cependant pas forcément les qualités qu’iel citait, ce qui peut sembler paradoxal. Nous pouvons cependant compenser, comme le disait certain·e·s collègues : par exemple un manque de créativité peut être comblé par du matériel orthophonique renouvelé régulièrement, un manque de patience par des connaissances pointues et un cadre strict… Je ne pense pas qu’il faille toutes les qualités listées pour être un·e bon·ne professionnel·le. Je crois que l’on choisit ce métier parce qu’on a une attirance et que l’on pense faire du bon travail, je pense aussi que certaines qualités s’acquièrent avec l’expertise, avec les années, avec les difficultés. On apprend ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins bien.

De toute façon l’idée n’est pas que nous soyons tous·tes identiques et irréprochables. C’est un métier aussi humain que technique, et justement je trouve qu’un de ses plus gros défis est d’allier les 2 : suffisamment de technique et d’expertise sans perdre le côté humain, suffisamment d’humanité sans perdre l’expertise.

Comme chez les psychologues, je pense qu’en tant que patient·e on peut ne pas toujours trouver le·a professionnel·le qui nous convienne du premier coup. Qu’il faut parfois travailler une relation thérapeutique car elle ne sera pas évidente. Voire changer de thérapeute.

Les qualités qui s’exercent en tant que clinicien·ne

  • Créativité
  • Curiosité
  • Fantaisie
  • Connaissance
  • Esprit d’investigation
  • Logique
  • Persévérance
  • Remise en question
  • Réactivité
  • Capacité à se renouveler et se former
  • Esprit de synthèse

Les qualités qui s’exercent en tant que thérapeute

  • Bienveillance
  • Tolérance
  • Empathie
  • Force de caractère
  • Ecoute
  • Observation
  • Sens de l’humour
  • Prise en compte de l’autre
  • Envie de bien faire
  • Ouverture
  • Optimisme
  • Humanité
  • Partage
  • Humilité
  • Pragmatisme
  • Capacité à demander de l’aide
  • Résistance
  • Clairvoyance
  • Professionnalisme
  • Ethique
  • Motivation interne
  • Bonne humeur
  • Energie
  • Diplomatie
  • Discrétion

Les qualités qui s’exercent en tant que professionnel·le recevant du public / chef·fe d’entreprise

  • Flexibilité
  • Adaptabilité
  • Patience
  • Rigueur
  • Planification
  • Souplesse
  • Bonne santé et résistance
  • Equilibre
  • Calme
  • Anticipation
  • Capacité à poser des limites
  • Organisation
  • Capacités exécutives
  • Compétences de gestion d’entreprise

Comme vous le voyez ce classement est tout à fait indicatif. Par exemple j’ai mis la rigueur dans les qualités de chef·fe d’entreprise, mais on peut également la citer dans les qualités d’un·e clinicien·ne.

Par ailleurs, certaines qualités semblent contradictoires, comme la rigueur et la souplesse, ou le calme et l’énergie. A chacun·e de trouver son équilibre et faire avec également avec sa personnalité.

Ce qui ressort loin devant, quand on compte les réponses des collègues, sont ces 2 termes : adaptabilité et empathie.

Adaptabilité

Nous recevons des patient·e·s présentant des profils, et il est évident que le fait de s’adapter à la personne qui nous consulte et à son entourage est très important. Par « profil », j’entends notamment une diversité d’origine culturelle, géographique, de mode de vie, de structure familiale, de religion, de handicap, de physionomie… Chaque patient·e se présente avec son vécu, ses difficultés, ses plaintes. En tant que soignant·e, il nous faut nous adapter à tout cela, sans jugement ni discours offensant. Cela implique à mon sens de rendre notre cabinet le plus inclusif possible, parfois en aménageant les meubles (par exemple des chaises suffisamment larges et sans accoudoirs pour les personnes obèses), parfois en diversifiant le matériel (représentations ethniques variées), parfois en mettant des affiches, mais le plus souvent par notre attitude et notre discours. J’y reviendrai dans un prochain article car il me semble qu’il s’agit d’un sujet crucial auquel nous ne portons pas toujours l’intérêt qu’il mérite.

Cette adaptabilité s’applique bien entendu également aux troubles présentés par le·la patient·e. Enchaîner les séances toutes les 30 minutes, avec des troubles très variés, nécessite une remise en question et une adaptabilité permanente.

Empathie

Je cite ici Matthieu Ricard : « L’empathie est la capacité d’entrer en résonance affective avec les sentiments d’autrui et de prendre conscience cognitivement de sa situation. L’empathie nous alerte en particulier sur la nature et l’intensité des souffrances éprouvées par autrui. […] L’empathie peut conduire à une motivation altruiste, mais elle peut aussi, quand on se trouve confronté aux souffrances d’autrui, engendrer un sentiment de détresse et d’évitement qui incite à se replier sur soi-même ou à se détourner des souffrances dont on est témoin.  »

Je dirais qu’en tant qu’orthophoniste on serait plutôt sur le registre de la compassion, de l’altruisme, de la sollicitude. L’idée n’est pas de souffrir avec nos patients, mais plutôt de pouvoir prendre du recul, et de pouvoir aider par notre expertise et notre accompagnement, en étant sur une tonalité émotionnelle différente et en gardant notre distance de soignant.